R2E - identifier les problèmes, réduire les risques

Pendant le LS1, l’équipe du projet R2E a une mission aussi délicate que primordiale : réduire d’un facteur 6 le nombre de pannes électroniques dues à la radiation, de quoi dépendra le bon fonctionnement de l’accélérateur à sa puissance nominale. Un vrai défi quand on sait que ce nombre avait déjà été réduit d’un facteur supérieur à 10 depuis 2009.

 

Graphique montrant le nombre d'absorptions du faisceau du LHC dus aux effets des particules isolées en fonction de la luminosité. On voit bien quel défi attend les équipes du projet R2E pendant le LS1.

L’histoire du projet R2E (Radiation to Electronics) commence en 2007, lors de la mise en service de l’expérience CNGS (CERN Neutrinos to Gran Sasso). « Dès le départ, certains systèmes de contrôle de CNGS ont posé des problèmes. Ils tombaient systématiquement en panne pendant l’exploitation avec faisceau, se souvient Markus Brugger, chef de projet R2E. Malgré la très faible intensité du faisceau, nous avons vite soupçonné un problème de radiation. » Et bingo ! Le problème venait bien de là. L’électronique de ces systèmes était trop sensible aux effets des particules isolées, ou aléas logiques (SEE - single event effects)*. Si le problème de CNGS a pu être réglé en ajoutant un blindage massif local et en déplaçant tous les systèmes de contrôle vers une partie protégée, il a mis en lumière un potentiel danger pour le LHC, qui devait entrer en service un an plus tard.

« Dans le tunnel du LHC, la plupart des équipements avaient été conçus pour résister suffisamment aux radiations. Ils n’étaient donc a priori pas affectés par ces particules, rappelle Markus Brugger. En revanche, le matériel standard installé dans les zones blindées à proximité du tunnel présentait des risques, et ce, malgré le blindage. » Mais comment identifier les équipements sensibles ? Parallèlement à un inventaire méticuleux réalisé en 2008 et 2009, les instruments à risque ont commencé à être testés, dans une zone de tests créée à côté de l’expérience CNGS, qui présentait un environnement analogue à celui du LHC, et à l’Institut Paul Scherrer (PSI). En 2010, pour des raisons pratiques, une autre zone de tests dédiée - baptisée H4irrad - avait finalement été aménagée sur le faisceau H4 de la zone Nord. Elle sera d’ailleurs bientôt remplacée par une nouvelle installation, plus grande, qui est actuellement en construction à l’emplacement de l’ancienne expérience DIRAC, et qui devrait entrer en service mi-2014.

Les tests d’équipements ont pour but d’identifier les composants critiques, afin de pouvoir les remplacer pour améliorer la résistance de l’équipement aux radiations, et ainsi assurer le bon fonctionnement de toute l’électronique installée et exposée aux radiations dans la chaîne d’accélérateurs. Ce à quoi travaille sans relâche l’équipe du projet R2E depuis plus de trois ans, en étroite collaboration avec tous les groupes en charge des équipements du LHC, et avec l’aide précieuse des groupes de services.

Mais que faire quand un équipement sensible ne peut pas être amélioré ? « Pour parer à cette éventualité, trois solutions, explique Markus Brugger. Nous pouvons créer de nouvelles cavernes, au blindage plus imposant (mais cela est souvent impossible à mettre en œuvre en termes de temps et de moyens) ; nous pouvons renforcer le blindage de zones blindées existantes ; ou alors, éloigner les équipements. ». Depuis le démarrage du LHC, plusieurs campagnes de relocalisation et de blindage ont ainsi déjà été menées. En parallèle, le groupe de travail Radiation analyse chaque panne de la machine ayant conduit à l’arrêt du faisceau, afin de déterminer lesquelles sont dues aux radiations. « Les travaux majeurs de relocalisation et de blindage effectués dans le cadre du projet R2E ne sont possibles que grâce aux importants efforts des groupes en charge des équipements du LHC et des groupes EN/EL, EN/CV, EN/HE, EN/MEF entre autres, conclut Anne-Laure Perrot, en charge de l’intégration des mesures d’atténuation R2E dans les installations souterraines du LHC. Je tiens d’ailleurs à tous les remercier pour leur excellent travail. »


*Le phénomène de « particules isolées »  est stochastique - il affecte donc les équipements électroniques de façon aléatoire.

Le projet R2E en chiffres

Au cours du LS1, 15 groupes en charge des équipements et des services travaillent aux points 1, 5, 7 et 8, où plus de 100 racks de contrôle et de puissance devront être relocalisés. Le blindage des cavernes de service RR  aux points 1 et 5 se verra par ailleurs renforcé. Dans le tunnel du LHC, les équipements électroniques les plus sensibles au phénomène de « particules isolées » sont les convertisseurs de puissance, la cryogénie et le système QPS (Quench Protection System). Pour augmenter la tolérance du système QPS, plus de 1000 cartes vont d’ailleurs être remplacées pendant le LS1. Au total, les opérations R2E devraient nécessiter plus de 60 semaines de travail.

 

par Anaïs Schaeffer