La science pour remède : il est temps d’augmenter la dose
La semaine passée, j’étais à Davos pour la réunion annuelle du Forum économique mondial. En ma qualité de directeur général du CERN, je bénéficie d’une invitation permanente, que j’ai utilisée régulièrement pour promouvoir l'agenda de la science auprès des grands dirigeants dans tous les domaines de la société. Au fil des ans, la voix de la science s’est assurément davantage fait entendre, mais il reste du chemin à parcourir.
Lors de ma première venue à Davos, j’avais fait une présentation sur la physique, puis passé le reste du temps à apprendre comment fonctionne le Forum. J’ai rapidement compris que les présentations sont là essentiellement pour divertir les participants, et que l'objectif principal de Davos est de faire se rencontrer les gens et de nouer des réseaux. C’est l’occasion de prendre le pouls du monde, et, s’il s’avère que celui-ci est malade, d’injecter un peu de science pour le soigner.
Mon message à Davos a évolué. Mes premières interventions soulignaient notre volonté de partager notre passion pour la quête de connaissances, puis l’importance de la science fondamentale dans l’économie mondiale ; cette année, j’ai insisté sur la nécessité d'enseigner la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques pour espérer atteindre les prochains Objectifs du millénaire pour le développement définis par les Nations Unies (voir le blog du Forum). Ces messages commencent à être entendus, et je ne suis bien sûr pas le seul à les promouvoir. Ainsi, la semaine passée a eu lieu une discussion très intéressante sur la stratégie numérique, en parfait accord avec les messages que le CERN souhaite faire passer.
Sans surprise, le principal sujet de discussion fut l’économie mondiale, et notamment le taux de change franc suisse/euro. Les économies sont tellement liées entre elles, avec des ramifications dans les secteurs privé comme public, que les conséquences sont difficiles à prévoir.
Une baisse notable de la valeur de l’euro et d’autres devises par rapport au franc suisse a bien sûr des conséquences importantes pour le CERN, un grand nombre de nos États membres appartenant à la zone euro alors que notre budget est libellé en franc suisse. La Direction du CERN a donc informé immédiatement les États membres qu’elle allait présenter prochainement un plan d’action qui permettra au Laboratoire de fonctionner normalement.
Pour en revenir à Davos, la science n’a malheureusement pas de solution rapide à proposer pour remédier aux maux de l’économie. Nos remèdes s’inscrivent sur le long terme : la science fondamentale pour stimuler l’innovation, et le développement de l’enseignement de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques pour former des scientifiques et avoir une société scientifiquement éclairée. Au vu de l’état du malade examiné à Davos cette année, il va nous falloir augmenter la dose.
Rolf Heuer