Une journée au Centre de contrôle du CERN
Le Centre de contrôle du CERN (CCC) est le centre névralgique commandant les faisceaux du Laboratoire. Depuis cette salle, les experts préparent, surveillent, ajustent et contrôlent les faisceaux de particules qui circulent dans tout le complexe d’accélérateurs, tout en s’assurant que les services annexes et l’infrastructure technique fonctionnent parfaitement. Des boutons, des écrans, des téléphones, des lumières (mais pas de sons)… dans le CCC, tout est prêt pour permettre au LHC d’atteindre les énergies sans précédent prévues pour la deuxième période d’exploitation.
Vu d’en haut, le Centre de contrôle du CERN a la forme d’un aimant quadripolaire. Les consoles sont réparties sur quatre cercles, ou « îlots », consacrés respectivement au LHC, au SPS, au complexe du PS et à l’infrastructure technique (TI). Les consoles dédiées à la cryogénie sont réparties entre le cercle TI et le cercle LHC. Le fait que ces îlots occupés 24 heures sur 24 soient réunis dans une même salle leur permet d’être constamment en contact les uns avec les autres, ce qui assure une performance optimale des machines.
Sur l’îlot du LHC, les opérateurs se consacrent en ce moment à l’entraînement des aimants. Ce n’est qu’un début, car beaucoup de choses vont changer avec des faisceaux de 6,5 TeV. « Nous connaissons certains des problèmes auxquels nous serons confrontés, mais nous nous attendons à ce que cette énergie plus élevée amène de nouveaux problèmes, qui n’apparaîtront clairement qu’une fois la machine mise en marche », explique Mirko Pojer, ingénieur responsable du LHC. Parmi ces problèmes, il y a les objets tombants non identifiés (UFO, Unidentified Falling Objects), qui pourraient causer des collisions de particules indésirables dans les tubes, et présenter ainsi un risque potentiel pour la machine. « Ce phénomène, dû probablement à la chute de particules de poussière à travers le faisceau, cause des pertes de faisceau localement, poursuit Mirko Pojer. Cela pourrait déclencher l’extraction automatique du faisceau, et donc réduire l’efficacité opérationnelle de la machine. » À l’heure actuelle, l’équipe fait fonctionner la machine sans faisceau afin de vérifier tous les logiciels, de tester la disponibilité de tous les systèmes et d’effectuer des essais de mise sous tension sur les aimants.
Sur l’îlot de l’infrastructure technique, une seule personne surveille, pour chaque période de huit heures, toute l’infrastructure technique du CERN. « Pendant le LS1, nous avions chaque jour environ deux ou trois mille alarmes qui se déclenchaient. Avec le redémarrage, nous nous attendons à ce qu’il y en ait moins, explique Gildas Langlois, opérateur du département Faisceaux, section TI. Toutefois, quand le LHC redémarrera à des énergies jamais atteintes auparavant, la pression sur notre équipe sera plus forte, car un problème survenant pendant la deuxième période d’exploitation pourrait prendre de l’ampleur plus vite que pendant le LS1. »
Les deux îlots du complexe d’injecteurs (Booster du PS, PS et SPS) travaillent à plein régime depuis plusieurs mois, puisque les injecteurs étaient déjà en fonction l’année passée. Le SPS envoie actuellement des ions argon à la zone Nord, tandis que le PS a fourni des faisceaux à la zone Est et à l’installation n_TOF en 2014. Pour coordonner leurs activités, des représentants des équipes chargées de l’exploitation et des équipements du SPS, du PS et du Booster du PS, ainsi que des infrastructures utilisant leurs faisceaux, se réunissent de façon hebdomadaire pour discuter du programme de la semaine, de l’état des machines, ou de la qualité des faisceaux. « Jusqu’ici, notre préparation en vue de la seconde période d’exploitation prévue se passe très bien, explique Ana Guerrero, du département Faisceaux, section PS. Les protons circulent déjà dans les machines et nous ne nous attendons pas à de gros problèmes. »
À mesure que l’intensité augmente dans les aimants du LHC, la fièvre monte dans les îlots du SPS, car l’injecteur préparera bientôt les premiers faisceaux pour le LHC. Au début, on injectera seulement un « doublet », faisceau constitué de deux paquets de protons espacés de 25 ns. « Ce faisceau spécial est utilisé pour procéder au 'nettoyage', une technique utilisée pour débarrasser les tubes du LHC de la pollution de surface, qui peut causer des 'nuages d’électrons', phénomènes susceptibles d’entraîner des pertes de faisceau et d’être dangereux pour les systèmes cryogéniques », explique Karel Cornelis, du département Faisceaux, section SPS.
Si la température monte pour certains, elle demeure « stable, à froid » pour l’équipe Cryogénie, dont les écrans de contrôle sont répartis sur les îlots du LHC et de l’infrastructure technique. En effet, l’équipe est chargée de veiller à ce que la température des aimants supraconducteurs du LHC reste aussi stable que possible, autour de 1,9 K. « Après avoir analysé l’expérience acquise pendant la première période d’exploitation, nous avons amélioré le logiciel qui régule la température. Mais ce n’est qu’une fois que la machine sera en route que nous pourrons vérifier qu’il fonctionne correctement, explique Antoine Escoleira, de l’équipe chargée des opérations de cryogénie. Nous disposons de suffisamment d’outils pour intervenir par ordinateur s’il se produit un événement inattendu, mais avec le redémarrage il y aura un peu plus de pression, puisque nous devons être sur le pont pour pouvoir intervenir rapidement en ajustant nos machines. »
À moins d’un mois du grand événement, tout est mis en œuvre pour assurer un redémarrage en douceur. Vous pouvez suivre la performance de tout le complexe d’accélérateurs au moyen de l’outil web Vistar et, bien sûr, en lisant les « Dernières nouvelles du LHC » que nous publions toutes les deux semaines.