Dernières nouvelles du LHC : une soupe dense et brûlante pour Noël

À quelques jours de la fin de 2015, le LHC termine l’année par une exploitation avec des ions lourds fructueuse. Celle-ci a été rendue possible grâce au grand dévouement et au professionnalisme dont ont fait preuve de nombreuses personnes, dans toute l’Organisation.

 

Comme cela a déjà été annoncé dans de précédents articles du Bulletin, la dernière ligne droite de ce marathon a commencé le 14 novembre, par une exploitation avec des protons à l’énergie intermédiaire de 5,02 TeV, dont la préparation a dû être conciliée avec le début de la mise en service pour l’exploitation avec des ions. Le 17 novembre, à l’aube, des collisions plomb-plomb ont eu lieu pour la première fois à une nouvelle frontière d’énergie : 5,02 TeV dans le centre de masse par paire de nucléons en collision (soit 1,045 PeV au total). La fin de l’exploitation proton-proton de référence ayant laissé la voie libre, la mise en service et la validation avec des ions a ensuite été achevée, et a permis l’obtention de faisceaux stables et le début de la prise de données par ALICE, ATLAS, CMS et LHCb. Les jours qui ont suivi ont été riches en événements. Des progrès réguliers ont été réalisés dans divers systèmes de lachaîne d’accélérateurs pour tenter d’atteindre l’objectif fixé de longue date pour ALICE, à savoir une luminosité nominale de 1x1027 cm-2s-1

La source d’ions plomb a été remplie à nouveau le 1er décembre, et elle réalise à présent 90 % de la performance prévue, avec environ 22 μA envoyés actuellement par le Linac3. Un « éplucheur de charge » a été remplacé dans le Linac3, ce qui a entraîné une excellente transmission au LEIR (Anneau d’ions de basse énergie). L’équipe du SPS a travaillé dur pour réduire la perte de faisceau pendant la montée en énergie, avec d’excellents résultats. Toutes ces améliorations se sont traduites par une intensité moyenne des paquets d’ions proche de 2x1010 fois la charge équivalente des protons lors de l’injection dans le LHC, soit presque trois fois l’intensité nominale.

Les faisceaux d’ions sont injectés dans le LHC sous forme de trains contenant jusqu’à 24 paquets. Il faut, pour chaque faisceau, jusqu’à 22 injections du SPS au LHC pour remplir la machine pour la physique, avec environ 400 à 500 paquets par faisceau. Chaque train contient 12 paires de paquets, appelées lots. Les deux paquets d’un lot sont séparés de 100 ns, soit l’espacement minimal pouvant être obtenu avec les systèmes radiofréquence du PS qui compressent les lots. Chaque lot était séparé du lot suivant de 225 ns, ce qui correspond au temps de montée du champ des aimants de déflexion rapide utilisés pour l’injection dans le SPS. L’espacement entre les paquets et entre les lots limite le nombre total de paquets pouvant être injectés dans le LHC.

Le 4 décembre, un interrupteur d’un aimant de déflexion rapide appartenant au système d’injection du SPS a été remplacé, ce qui a permis une montée du champ plus rapide, avec moins d’instabilité et, par conséquent, il a été possible d’obtenir un espacement entre les lots de 175 ns, au lieu de l’espacement initial de 225 ns. Cela a été une belle surprise, car cet intervalle n’était initialement pas considéré comme possible avant le LS2. Cette modification a permis d’injecter 474 paquets par faisceau (au lieu de 426). Le groupe Transfert des faisceaux des accélérateurs (ABT), motivé à l’idée d’exploiter pleinement les possibilités offertes, a réalisé d’autres améliorations, et est parvenu à réduire encore davantage le temps de montée du champ, pour le ramener à 150 ns. Le 9 décembre, le groupe a atteint son but et, pour la première fois, 518 paquets par faisceau ont été injectés dans le LHC, ce qui a permis à la physique de reprendre, avec une nouvelle augmentation du pic de luminosité et de la luminosité intégrée. Les systèmes d’amortissement transversaux du SPS et du LHC ont suivi de près toutes ces modifications, afin de garantir la stabilité nécessaire des paquets.

La luminosité d’ALICE a atteint le niveau nominal de 1x1027 cm-2s-1, qui s’est maintenu pendant trois à quatre heures lors d’un cycle normal de cinq heures. ATLAS et CMS ont quant à eux atteint des pics de plus de 3x1027 cm-2s-1. Pour la première fois lors d’une exploitation ion-ion, LHCb a également enregistré des données, après sa participation à l’exploitation proton-plomb.

Outre la production pour la physique, nous avons également pu trouver du temps pour d’autres activités, comme les exploitations nécessaires pour l’étalonnage de la luminosité et l’inversion de la polarité du spectromètre d’ALICE. Jusqu’ici, ALICE a enregistré plus de 300 μb-1, CMS plus de 500 μb-1 et ATLAS 700 μb-1, ce qui les met en très bonne voie pour remplir l’objectif de luminosité intégrée 2015 pour les collisions plomb-plomb.

Il ne faut pas oublier non plus les activités de développement de la machine, qui font aussi partie intégrante de l’exploitation. Les cristaux ont une fois de plus canalisé les faisceaux de haute énergie, cette fois avec des ions plomb. Ce test vient s’ajouter à l’expérience initiale réalisée avec des faisceaux de protons en novembre, et leur combinaison permet d’évaluer la possibilité d’utiliser des cristaux courbés comme collimateurs, en prévision du projet LHC haute luminosité.

Le 8 décembre, la première transition résistive induite par la luminosité a eu lieu dans le LHC, dans des conditions contrôlées, ce qui a dissipé l’incertitude, présente depuis longtemps, sur les limites liées aux transitions et à la luminosité. Ce résultat vient finalement appuyer les arguments en faveur de l’installation de collimateurs destinés à la suppression de la dispersion dans le LHC, qui fait l’objet de discussions depuis 2003.

Au moment où nous publions, le LHC vient tout juste de finir la soupe la plus dense et la plus chaude jamais préparée pour Noël.

par Reyes Alemany for the LHC team