Un prix pour les supraconducteurs du CERN

Amalia Ballarino a reçu un prix pour couronner ses travaux sur les supraconducteurs à haute température critique.

Amalia Ballarino présentant un ruban de matériau supraconducteur utilisé pour les amenées de courant du LHC.

Amalia Ballarino, chef de projet du CERN pour les amenées de courant supraconductrices à haute température critique du LHC, a été désignée 
« Superconductor Industry Person of the Year ». Cette distinction internationale, la plus prestigieuse dans le domaine du développement des supraconducteurs et de leurs applications commerciales, lui a été décernée par la revue spécialisée Superconductor Week. Un jury composé d’experts de premier plan de la supraconductivité a sélectionné Amalia Ballarino parmi plusieurs dizaines de candidats du monde entier. « C’est un grand honneur pour moi, a déclaré Amalia Ballarino. Après avoir travaillé dur pendant de nombreuses années, il est très gratifiant de voir nos efforts couronnés de succès. »

Amalia Ballarino étudie les matériaux supraconducteurs à haute température critique (HTS pour High-Temperature Superconductors) depuis son arrivée au CERN, en 1997. Les amenées supraconductrices HTS (voir encadré) sont utilisées au LHC pour ache-miner le courant depuis les convertisseurs de puissance (à température ambiante) jusqu’à plusieurs milliers d’aimants supraconducteurs (qui fonctionnent à la température de l’hélium liquide). Doté de plus de mille amenées HTS, le LHC représente la première véritable application commerciale à grande échelle de ces matériaux dans le monde. En tant que chef de projet, Amalia Ballarino a supervisé tout le processus : les premiers essais et le choix des matériaux HTS, puis la conception technique et, enfin, la collaboration avec des entreprises et des laboratoires du monde entier pour l’élaboration des prototypes et les essais en vue de la production en série. « Ce projet représente depuis ses débuts un immense défi, car il n’était pas du tout évident que les matériaux HTS atteindraient les perfor-mances requises pour cette application à très grande échelle, explique Amalia Ballarino. Grâce aux contributions du CERN pour élaborer et optimiser les amenées HTS, celles-ci s’imposent aujourd’hui d’emblée pour tout système électrique fonctionnant aux températures cryogéniques. »

Pour faire passer le courant des convertisseurs de puissance, qui fonctionnent à température ambiante, à un environnement cryogénique, il faut surmonter un problème technique de taille : le transport de grandes quantités d’électricité en limitant le plus possible la dissipation d’énergie dans le système cryogénique. Grâce à sa résistance nulle et à sa faible conductivité thermique, le matériau HTS intégré dans la partie la plus froide des amenées permet des économies considérables d’énergie de réfrigération. L’utilisation des amenées HTS au LHC réduit la charge thermique dans l’hélium d’un facteur supérieur à 10 par rapport aux amenées classiques auto-refroidies.

Le matériau HTS utilisé pour les amenées du LHC est un composé du bismuth (Bi-2223), qui est mis en œuvre dans une plage de température comprise entre 50 K et 4,2 K. Il est produit sous la forme d’un ruban comportant des filaments multiples noyés dans une matrice en alliage d’argent de conductivité thermique relativement faible. Ce ruban est réalisé selon un procédé de déformation mécanique, qui aligne les grains supraconducteurs à l’intérieur de la matrice d’argent, de façon à réduire au minimum les obstacles au passage du courant.

« Je suis reconnaissante à l’équipe de direction du LHC de m’avoir confié ce projet de haute technologie qui devait absolument aboutir, tant pour réduire les coûts du LHC que pour faire avancer la technologie HTS, a souligné Amalia Ballarino. Je tiens également à remercier mes collègues, les spécialistes du Département TS, qui, par leur connaissance pointue du brasage, du soudage et des traitements de surface, ont su trouver des solutions élégantes à plusieurs problèmes délicats et, bien sûr, les techniciens de notre petite section, qui ont mis leurs compétences à notre disposition tout au long de cet ambitieux projet. »

Voir également le communiqué de presse de "Superconductor Week".

Saviez-vous?

Les supraconducteurs ont la propriété de conduire l’électricité sans résistance ni perte d’énergie par échauffement. Les supraconducteurs classiques à basse température (LTS, pour Low Temperature Superconductors), tels que l’alliage niobium/titane (NbTi) utilisé dans les aimants du LHC, acquièrent cette propriété autour de 10 K (–263° C). Leur exploitation exige un système cryogénique complexe, à base d’hélium liquide. En 1986, des chercheurs ont découvert une classe de céramiques qui deviennent supraconductrices à 30 K (-243° C), c’est-à-dire à une température supérieure à celle de tout supraconducteur métallique. On pensait alors que les céramiques étaient des isolants, et non pas des supraconducteurs ! La découverte du premier supraconducteur à haute température critique (HTS) a été suivie d’une impressionnante série d’annonces de nouveaux composés, de la famille des cuprates, dont la supraconductivité se manifestait à des températures critiques de plus en plus élevées. À ce jour, la température critique record est celle de l’alliage mercure-thallium-baryum-calcium-cuivre-oxygène, qui devient supraconducteur à 139 K (-134° C). On peut refroidir ces céramiques supraconductrices avec de l’azote liquide (à 77 K), bien moins cher que l’hélium liquide, grâce à un système cryogénique qui est aussi nettement plus simple à utiliser. Les cuprates HTS font partie des matériaux les plus complexes étudiés en vue d’applications pratiques. Contrairement aux supraconducteurs NbTi, les HTS sont fragiles. Il faut donc prendre des précautions particulières pour les manipuler et recourir à des techniques novatrices pour les mettre en œuvre.