Catastrophes naturelles : le CERN aide à cartographier les zones sinistrées

UNOSAT, le Programme des applications satellitaires opérationnelles de l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), est hébergé au CERN, non loin du Restaurant n°2, dans un modeste bureau. Des experts des Nations Unies s’y tiennent prêts à recevoir 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, un message d’urgence envoyé d’un point quelconque de la planète, et à y répondre immédiatement. C’est là que des experts ont été contactés suite aux récents tremblements de terre d’Haïti et du Chili afin qu’ils établissent, à l'aide des ressources informatiques du CERN, les premières cartes en vue des secours.
 

Dans le cas du tremblement de terre survenu en janvier à Haïti, un SMS a été reçu le 12 janvier, à 23 h 20, heure de Genève, soit quelques minutes après la catastrophe. Immédiatement, l'équipe d'UNOSAT s’est organisée pour télécharger les premières images satellite à analyser, afin de créer les toutes premières cartes destinées aux équipes de secours.

Au cours des semaines suivantes, les membres d’UNOSAT ont travaillé par roulement jour et nuit, sans interruption, pour établir des rapports sur les dégâts subis. UNOSAT a également envoyé sur le terrain deux membres du personnel afin qu'ils vérifient leurs rapports et y apportent les améliorations nécessaires. « En particulier lors des premiers jours d’une catastrophe comme celle d’Haïti ou du Chili, il est courant d’entendre « toute la ville est détruite », mais généralement, ce n’est pas le cas… Grâce à la technologie satellite, nous pouvons disposer d’informations plus objectives », explique Einar Bjorgo, chef des activités de cartographie humanitaire d’UNOSAT.

UNOSAT assure le téléchargement des données fournies par des satellites scientifiques ou commerciaux sur les serveurs du CERN. Ces satellites ont une résolution allant jusqu'à 40 cm, ce qui permet d'obtenir des images extrêmement détaillées. Dans le cas d’Haïti, la technologie satellite était complétée par des photographies aériennes d’une résolution de 15 cm, et, fréquemment, on utilise également des données radar. Les données recueillies sont ensuite analysées par des experts d’UNOSAT.

Au lieu de recourir exclusivement à des logiciels informatiques automatisés, les analystes d’UNOSAT effectuent eux-mêmes des analyses approfondies ; ils ont développé des techniques innovantes leur permettant d’obtenir des données complémentaires à l’imagerie satellitaire. Leurs techniques d’analyse ont bénéficié de l’attention et de l’adhésion de plusieurs grandes entreprises, dont ESRI, Google et Microsoft, avec lesquelles collabore UNOSAT, ainsi que des organismes d’État, notamment aux États-Unis et en Suisse.

Les rapports d’UNOSAT sont utilisés pour de nombreuses applications. Lors de situations d’urgence ou de catastrophes naturelles, comme le tremblement de terre d'Haïti ou, plus récemment, celui du Chili, il est indispensable d’établir rapidement des cartes des zones sinistrées. En règle générale, UNOSAT est sollicité pour une quarantaine d’urgences humanitaires par an en moyenne, soit facilement trois situations de crise par mois, et reste impliqué pendant cinq à six semaines, bien après que les médias ont détourné leur attention de la catastrophe.

L’Organisation des Nations Unies a également recours à l’aide d’UNOSAT pour des questions relatives à la sécurité humanitaire et aux droits de l’homme. UNOSAT a notamment cartographié les zones de conflit à Gaza et en Géorgie, et a établi des rapports sur l’activité de piraterie en Somalie. À l'aide de données satellite, UNOSAT participe également aux efforts déployés en Indonésie pour replanter la mangrove détruite par l’élevage de la crevette, mangrove qui est essentielle pour protéger le pays des grands tsunamis, tels que celui de 2004. Par ailleurs, les pays en développement font appel à UNOSAT pour des formations dans le domaine géospatial et pour la cartographie aux fins de l'aménagement de l’espace urbain, d'exploitations agricoles ou du transport. Des projets de recherche pure sont également menés dans le cadre d’UNOSAT, tels que le développement de technologies SIG sur la grille de calcul, ou l’étude de différents aspects géospatiaux en rapport avec des questions sociales ou humanitaires.

Pour tous ses projets, UNOSAT a recours à l’appui informatique et aux ressources informatiques du CERN. « Le CERN est le secret de notre réussite, explique Francesco Pisano, administrateur du programme UNOSAT. Si nous n’étions pas au CERN, nous devrions acquérir nous-mêmes une quantité de ressources informatiques ; il serait alors très difficile pour les Nations Unies de financer ce programme. En comparaison à d’autres organisations dans le monde, nous disposons, nous, de capacités informatiques pratiquement illimitées. »

En retour, ce que le CERN retire de sa relation avec UNOSAT, c’est la fierté de participer à un projet offrant aux infrastructures informatiques du laboratoire des applications humanitaires et de portée mondiale.
 

par Daisy Yuhas