Rayons cosmiques : LHCf change la donne

Le spectre d’énergie du photon unique obtenu à partir des données de l’expérience LHCf s’est révélé être très différent de celui prédit par les modèles théoriques utilisés jusqu’à présent pour décrire les interactions entre les rayons cosmiques de très haute énergie et l’atmosphère terrestre. Les conséquences de ce désaccord seront peut-être de taille pour l’étude du rayonnement cosmique.

 

Vue d'artiste de la pénétration des rayons cosmiques dans l'atmosphère terrestre. (Crédits : Asimmetrie/Infn).

Les physiciens ne s’y attendaient pas. L’analyse des données récoltées en 2010 par les deux calorimètres de LHCf montre que l’interaction des rayons cosmiques de haute énergie avec l’atmosphère ne se passe pas comme le prévoit la théorie.

Installés à 140 mètres de part et d’autre du point d’interaction d’ATLAS, les détecteurs de l’expérience LHCf sont voués à l’étude des particules secondaires émises à très petits angles lors des collisions proton-proton du LHC, et dont l’énergie est comparable à un rayon cosmique de 2,5x1016 eV pénétrant dans l’atmosphère. Objectif ? Affiner les modèles actuellement en vigueur pour l’étude du rayonnement cosmique de très haute énergie. Or, d’après les derniers résultats de l’expérience LHCf, ces modèles nécessiteront sans doute quelques révisions… « Les données que nous avons enregistrées ont été exploitées dans le but de mesurer le spectre d’énergie du photon unique. Cette particule est en effet issue de la désintégration d’un pion neutre, lequel apparaît dans la gerbe de particules formée lors de l’interaction des rayons cosmiques de très haute énergie avec le gaz atmosphérique », explique Oscar Adriani, porte-parole adjoint de LHCf. En étudiant le photon unique, les chercheurs peuvent ainsi remonter aux processus physiques induits par le rayonnement cosmique.

Comparaison entre les différents modèles de Monte-Carlo et les données expérimentales obtenues par LHCf en 2010.

Les résultats de ces analyses se sont avérés très troublants. Comparés à ceux prédits par les modèles de Monte-Carlo les plus couramment utilisés pour l’étude des rayons cosmiques, ils ont révélé des discordances. Le hic est apparu dans le spectre du photon unique pour des énergies supérieures à 1,5 TeV. En effet, au-delà de cette valeur, la distribution énergétique n’est plus du tout celle annoncée par les modèles. « Grâce au LHC, nous avons pu explorer une région énergétique jusqu’ici inaccessible. Étant donné les importants désaccords entre les prédictions théoriques et nos données expérimentales, observe Oscar Adriani, je pense que les physiciens spécialisés dans ce domaine de recherche devront revoir leurs résultats en tenant compte de ces nouveaux éléments. »

S’il est bien sûr trop tôt pour clore le débat, les membres de la collaboration LHCf s’attendent à ce que, d’ici peu, la science des rayons cosmiques connaisse quelques bouleversements…

par Anaïs Schaeffer