De la calorimétrie à l’imagerie médicale : transfert réussi !

Inspirée de méthodes de calorimétrie développées pour la physique des hautes énergies, une équipe au CERN a créé un nouveau système de tomographie par émission de positons dédié à l’imagerie médicale : l’AX-PET. Soutenu par des laboratoires européens et américains* le projet arrive à maturité : les premiers essais confirment un avenir prometteur.

 

Aperçu d’un objet test, dit « fantôme », encadré par les détecteurs de photons de l’AX-PET.

Basée sur l’interaction matière-antimatière, la tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie médicale qui permet de représenter en trois dimensions l’activité métabolique d’un organe. Pour ce faire, des molécules radio-marquées sont injectées dans le sujet à observer. La désintégration de ce produit radioactif émet des positons - particules d’antimatière - qui en s’annihilant avec les électrons présents dans l’environnement proche produisent deux photons détectés par le TEP. Alors que dans les systèmes classiques la résolution spatiale ne peut être améliorée sans perdre en sensibilité, la technique utilisée dans l’AX-PET parvient à décorréler sensibilité et résolution tout en gagnant en qualité. Ainsi, la résolution de l’AX-PET peut atteindre le millimètre tandis que celle des TEP standard est comprise entre 4 et 6 mm.

La technique de l’AX-PET, dont le développement a commencé en 2007, repose sur des méthodes calorimétriques couramment utilisées en physique des particules : une matrice de cristaux transforme les photons reçus en lumière scintillante. Chaque cristal est relié à un photo-détecteur qui transmet une information analogique. L’aspect innovant de l’AX-PET par rapport aux technologies plus anciennes réside dans le positionnement des cristaux par rapport à la source de photons (voir figure ci-dessous). « Dans l’AX-PET, contrairement à l’agencement traditionnel qui consiste à orienter radialement les cristaux photosensibles par rapport au sujet étudié, les cristaux sont des barreaux longs de 100 mm orientés axialement, explique Matthieu Heller, boursier Marie Curie au département PH du CERN et l’un des acteurs du projet. Ainsi pour gagner en sensibilité, il suffit de superposer plusieurs couches de cristaux. » À l’arrière de chaque rangée de cristaux sont positionnées perpendiculairement des lamelles plastiques permettant de noter la position à laquelle le photon a touché le cristal. Cette matrice tridimensionnelle permet de mesurer précisément l’impact des photons.
 

Disposition des cristaux dans un scanner TEP classique. Orientation axiale de cristaux allongés dans l’AX-PET.


L’équipe du projet a réalisé de premiers tests de performance sur des petits animaux en juin dernier aux laboratoires spécialisés en imagerie des petits animaux de l’ETH Zürich. « Ces résultats nous ont prouvé que notre démonstrateur était parvenu à maturité, explique Christian Joram chef du groupe « Technologies de détection » au sein du département PH et responsable du projet AX-PET.  Ils ouvrent plusieurs perspectives, dont l’une consisterait à coupler ce TEP avec une IRM, pour permettre une représentation simultanée des aspects métabolique et structurel du corps étudié. Des développements supplémentaires sont nécessaires car l’IRM (imagerie par résonance magnétique) est basée sur des champs magnétiques élevés et notre détecteur ne doit en aucun cas perturber son fonctionnement. »

Au second plan, derrière l'AX-PET, quelques acteurs du projet : Christian Joram (CERN), Chiara Casella (ETH Zürich) et Matthieu Heller (CERN).

D’autres pistes de recherche sont envisagées pour améliorer les performances de l’AX-PET depuis que le démonstrateur fabriqué au CERN a prouvé que ce nouveau principe de TEP était efficace et réalisable à plus grande échelle. Ces axes de recherches comprennent des simulations (avec différents cristaux et géométries) et des tests avec de nouveaux photo-détecteurs Digital SiPM qui convertissent directement la lumière en données digitales. Couplés aux cristaux, ces détecteurs permettraient de différencier les temps de parcours des photons émis par la source. Cette information temporelle augmente la finesse de détection et réduit le bruit de fond, ce qui se traduit par une image beaucoup plus nette.

« En tant que Cernois, conclut Christian Joram, notre rôle n’est pas de construire un scanner complet mais de faire un transfert de technologie. Nous avons démontré la performance de notre principe, maintenant nous accompagnons nos partenaires dans la réalisation des applications correspondantes. Depuis peu, nous travaillons en collaboration avec des industriels et des spécialistes de l’imagerie médicale pour créer un détecteur alliant les modalités IRM et TEP. » De la calorimétrie à l’imagerie médicale, une seule volonté : avancer !


*Les laboratoires impliqués dans le projet AX-PET sont : INFN Bari, INFN Cagliari, INFN Roma, CERN, Université du Michigan, Ohio State University, Université d'Oslo, Université Technologique de Tampere, IFIC Valence, ETH Zürich.

par Caroline Duc