Une intensité record pour le supraconducteur MgB2

Dans le cadre du programme de relèvement de la luminosité du Grand collisionneur de hadrons (projet HL-LHC), des experts de l’équipe chargée des supraconducteurs du CERN ont réussi à atteindre 20 kA sur une ligne de transmission électrique. Cette intensité record a été obtenue à une température de 24 K sur une ligne composée de deux câbles supraconducteurs à base de diborure de magnésium (MgB2), de 20 m de longueur chacun. Grâce à ce résultat, il est maintenant possible d’envisager d’utiliser cette technologie pour le transport d’énergie sur une longue distance.

 

La ligne de transmission électrique de 20 m contenant les deux câbles de 20 kA constitués de MgB2.

« Ce test constitue une étape importante dans le développement de systèmes d’alimentation électrique froids à base de MgB2 », explique Amalia Ballarino, responsable de la section Supraconducteurs et Dispositifs supraconducteurs au sein du groupe Aimants, Supraconducteurs et Cryostats du département Technologie du CERN, et initiatrice de ce projet. Les câbles et les technologies associées ont été conçus, développés et testés au CERN. Le câble supraconducteur est le fruit de longs travaux de recherche et de développement initiés en 2008 par le CERN et le fabricant, Columbus Superconductors, à Gênes. »

Le test a eu lieu dans une station d’essai conçue et assemblée à cet effet au CERN, dans laquelle la température a pu être maintenue constante à 24 K (environ -249 °C) sur les 20 mètres de longueur du câble par un flux forcé d’hélium gazeux. Fruit d’une intense phase de développement, la ligne superconductrice de MgB2 complète, de 2 x 20 mètres de long, a ainsi pu recevoir un courant record de 20 kA, prouvant que cette technologie dispose d'un énorme potentiel pour la transmission électrique.

Les propriétés supraconductrices de ce matériau relativement bon marché ont été découvertes en 2001, mais celui-ci n’existait alors que sous forme de ruban. Les fils ronds, plus appropriés pour un assemblage en câbles à haute intensité, n'étaient pas encore disponibles lorsque le projet du CERN a commencé. « Il a fallu avant tout développer des fils ronds de bonne qualité, adaptés au projet, de densité de courant élevée et aux propriétés supraconductrices uniformes, explique Amalia Ballarino. Cela a pu être réalisé grâce à l’étroite collaboration entre le CERN et Columbus Superconductors, collaboration qui a abouti à la fabrication de différentes générations de fils d'architectures différentes et aux propriétés optimisées. En parallèle, nous avons développé au CERN les câbles à haute intensité ainsi que la ligne de transmission électrique. »

Des membres de l'équipe Supraconducteurs et Dispositifs supraconducteurs du CERN devant la station d'essai.

Ce projet fait partie du programme de relèvement de la luminosité du LHC (HL-LHC), dans le cadre du 7e programme-cadre. Dans le projet HL-LHC, il est prévu de déplacer les convertisseurs de puissance alimentant les aimants supraconducteurs, situés actuellement dans le tunnel du LHC, à la surface, ou dans des zones souterraines protégées des radiations, et de les connecter aux aimants par un nouveau système d’alimentation froid. Une étude réalisée en 2009 confirmait que les lignes de transfert électrique au diborure de magnésium, ayant une température critique de 39 K, pouvaient être une technologie économique et viable, présentant plusieurs avantages par rapport aux câbles traditionnels à base de niobium-titane (Nb-Ti) actuellement utilisés au LHC.

Suite à l’initiative du CERN, cette technologie supraconductrice à base de MgB2 a également été proposée par le Prof. Carlo Rubbia, directeur scientifique de l'Institut des études avancées sur la durabilité (Institute for Advanced Sustainability Studies - IASS), à Potsdam, pour la création d'une ligne de transmission innovante pour le transport d’électricité verte sur de grandes distances. « Il est proposé d'utiliser des câbles supraconducteurs au MgB2 refroidis à l'hydrogène liquide pour fabriquer de longues lignes de transmission électrique souterraines, qui seraient refroidies dans des stations de refroidissement cryogéniques situées à intervalles réguliers. Un accord de collaboration entre le CERN et l’IASS a été signé en mars 2012 pour évaluer la faisabilité de cette technologie. L’objectif était de tester une ligne en courant continu de 20 kA opérant à une température de 20 K (-253 °C). Ce qui, finalement, était assez proche des exigences du CERN pour l’alimentation de ses aimants, confirme Amalia Ballarino. Nos résultats ont montré que de tels câbles à haute intensité peuvent fonctionner à la température de l’hydrogène liquide, et même à une température supérieure, et que la technologie de base associée a maintenant fait ses preuves. »


(Vidéo en anglais)
 

par Antonella Del Rosso