Coup de fouet pour KiCad

Les cartes de circuits imprimés (PCB) forment le cœur de tout dispositif électronique, qu’il s’agisse de votre grille-pain ou de votre téléphone intelligent.  La conception de ces cartes est le travail des ingénieurs en électronique qui, jusqu’à présent, n’avaient pas d’autre choix que d’utiliser des outils propriétaires pour concevoir des circuits complexes. Grâce aux efforts déployés par des experts du CERN pour améliorer le logiciel libre KiCad, cette situation est sur le point de changer.

 

KiCad est un logiciel libre (sous licence GPL) qui a commencé à être développé en 1992 en tant qu’outil de conception de cartes de circuits imprimés, les unités commandant le fonctionnement d'un dispositif électronique. Depuis 2013, des experts du département Faisceaux contribuent activement à KiCad dans le cadre de l’initiative sur le matériel libre (OHI, Open Hardware Initiative), qui offre un cadre visant à faciliter l'échange de connaissances au sein de la communauté des concepteurs d’électronique. « Notre objectif est de permettre aux développeurs de matériels d’échanger des données aussi facilement que les développeurs de logiciels, explique Javier Serrano, chef de la section BE-CO-HT, et à l'origine de l'initiative. Les sources de logiciels s’échangent facilement en ligne car il s'agit de fichiers texte, et tout le monde a accès aux éditeurs et compilateurs permettant de transformer les sources en un programme. En revanche, dans le cas de la conception de matériels, cela se fait la plupart du temps au moyen d'outils propriétaires. Par conséquent, afin de pouvoir modifier les sources, les utilisateurs doivent recourir à ces outils propriétaires. »

Lorsque le projet KiCad a commencé au CERN, les concepteurs de matériels disposaient déjà de nombreux outils en accès libre, mais aucun ne pouvait être utilisé facilement pour concevoir un circuit complexe. Parmi ces outils, KiCad présentait le plus grand potentiel. « Nous avons commencé par nettoyer le code de base et ajouter un nouveau moteur graphique, explique Tomasz Wlostowski, membre de la section BE-CO-HT, qui est chargé, entre autres, de superviser le développement de nouvelles fonctionnalités pour KiCad. Notre contribution vise à développer le logiciel KiCad jusqu'à ce qu'il devienne la norme de facto pour l'échange, et que de plus en plus d'utilisateurs, entreprises comprises, commencent à travailler avec. »

La semaine prochaine, l’équipe va publier deux nouvelles fonctionnalités, qui sont attendues par nombre d’utilisateurs de logiciels libres/open source de CAO électronique : le routage de paires différentielles (differential pair routing) et l’adaptation de la longueur des pistes (trace length matching). « Grâce au routage de paires différentielles, on peut plus facilement concevoir des cartes de circuits imprimés supportant des signaux rapides sur une longue distance et avec moins de bruit. C’est particulièrement important pour les dispositifs qui traitent de grandes quantités de données, explique Tomasz. La deuxième fonction – l'adaptation de longueur – garantit, automatiquement, que deux signaux mettent un temps identique pour traverser le circuit imprimé. Une fois la fonction sélectionnée, l’outil ajoute automatiquement des méandres afin d’ajuster le délai. Cela est très utile lorsqu’il faut prendre en compte des paramètres comme le cadencement ou la synchronisation. »

Les récentes avancées améliorent considérablement les performances de KiCad. « Le logiciel KiCad commence à intéresser aussi les entreprises du secteur, qui peuvent l’utiliser pour développer de nouveaux composants électroniques. Elles pourraient aussi agir en tant que donateurs pour le projet» précise Javier. En effet, la Fondation RaspberryPi et la société Arduino ont déjà contribué financièrement au projet KiCad du CERN, par le biais du portail « Giving to CERN ». Mais le rêve de Javier et de ses collègues serait de pouvoir développer KiCad au point que le bureau de conception électronique du CERN puisse commencer à l'utiliser pour créer ses propres circuits imprimés !

par Antonella Del Rosso