Dernières nouvelles du LHC : dissiper les nuages (épisode II)

Pendant les deux dernières semaines, une grande partie du temps de faisceau du LHC a été consacrée à la seconde phase du « nettoyage » des chambres à vide. Cette opération, qui vise à réduire la formation de nuages d’électrons dans les tubes de faisceau, a été réalisée cette fois-ci avec un intervalle de 25 nanosecondes entre les paquets. L’objectif est de préparer la machine pour une montée en intensité sans heurts lors de l’exploitation pour la physique avec ce type de faisceau.

 

Pour nettoyer les tubes de faisceau de l’accélérateur, on fait fonctionner la machine à un régime créant d’intenses nuages d’électrons, tout en respectant les contraintes liées à la stabilité du faisceau. Quand la production de nuages d’électrons atteint une certaine intensité, la probabilité que des électrons secondaires soient créés sur les parois des chambres devient plus faible, et l’ensemble du processus se trouve ainsi inhibé. L’opération de nettoyage réduit ainsi la formation ultérieure de nuages d’électrons, qui causeraient sinon des instabilités dans les faisceaux entrant en collision.

La seconde phase du nettoyage du LHC a commencé samedi 25 juillet, jour où des faisceaux avec un intervalle de 25 nanosecondes entre les paquets ont à nouveau été injectés dans le LHC. Lors de cette étape, les trains de 72 paquets en provenance du SPS, utilisés pour remplir le LHC au début de l’opération, présentaient encore des signes typiques de la dégradation de faisceau induite par les nuages d’électrons. La transition vers des trains de 144 paquets n’a eu lieu qu’une fois que la qualité de ces faisceaux s’était visiblement améliorée. Dans les jours qui ont suivi, la qualité du faisceau a continué de progresser au fil du temps, ce qui a prouvé que le nettoyage des chambres de faisceau était efficace.

À la fin de la première semaine, le nombre de paquets dans le LHC a été porté à environ 2400 par faisceau, soit le nombre maximal pouvant être injecté dans le LHC avec des trains de 144 paquets. La qualité de ces faisceaux, à la fin du processus d’injection, était par contre sensiblement dégradée par le phénomène des nuages d’électrons, notamment à cause du temps nécessaire pour achever le processus d’injection. Un nettoyage supplémentaire a été réalisé pendant la deuxième semaine, et a permis d’atteindre des durées de vie de faisceau de 10 à 20 heures à l’énergie d’injection, malgré la présence constante de nuages d’électrons denses dans la machine, mise en évidence par la charge thermique mesurée dans les arcs par le système cryogénique.

Pendant cette seconde opération de nettoyage, les experts de la machine ont également réalisé les premières tentatives d’intensifier le processus de nettoyage en injectant dans le LHC des faisceaux de « doublets », les doublets étant des paires de paquets espacées de 25 nanosecondes les unes des autres (chaque paire contenant deux paquets espacés de 5 nanosecondes). L’hypothèse à l’origine de cette tentative est que la production de nuages d’électrons dans le LHC augmenterait avec cette configuration du faisceau, comme le prédisent les simulations et comme l’ont montré des expériences en ce sens dans le SPS.

Au début, quelques périodes de fonctionnement ont été consacrées au développement opérationnel nécessaire pour permettre au LHC d’« accepter » des faisceaux avec cette structure inhabituelle. Ensuite, une fois résolus les problèmes principaux, des trains de doublets (12, 24 et 36) ont pu être injectés dans le LHC au milieu de la deuxième semaine de nettoyage. Un jour entier a été consacré à des tests, afin d’évaluer le potentiel de nettoyage de ce type de faisceau.

Comme prévu, les doublets ont créé des nuages d’électrons bien plus importants que les faisceaux à intervalles de 25 nanosecondes. Par contre, ils ont également causé de graves instabilités, dues aux nuages d’électrons qu’ils produisent. S’il a été possible de maintenir plusieurs trains de 24 doublets largement espacés dans le LHC, ceux-ci ont été altérés par les instabilités dues aux nuages d’électrons, et il y a eu des pertes importantes à la fin des trains injectés plus tard dans le processus. Afin de permettre un usage efficace des doublets à l’avenir, l’une des conditions requises est de parvenir d’abord à un degré de nettoyage plus avancé, au moyen de faisceaux à intervalles de 25 nanosecondes. Si leur usage s’est révélé prématuré à l’heure actuelle, les faisceaux de doublets resteront néanmoins un outil important à garder en réserve pour de futures sessions de nettoyage, si celles-ci se révèlent nécessaires à une étape ultérieure.

La phase finale de la seconde opération de nettoyage consistait à valider les configurations de remplissage pour la physique avec 1176 paquets espacés de 25 nanosecondes, et à évaluer les paramètres de la machine nécessaires pour fournir ces faisceaux. Cette étape s’est achevée avec succès le matin du samedi 8 août. Le LHC est maintenant prêt à recevoir des trains de 1176 paquets avec un espacement de 25 nanosecondes pour la physique, et ce chiffre pourra augmenter à mesure que les limites actuelles concernant la vitesse du processus d’injection seront dépassées et qu’un nettoyage supplémentaire aura lieu à l’occasion de remplissages pour la physique.

par Giovanni Rumolo for the LHC team