Dernières nouvelles du LHC : dissiper les nuages

Afin de permettre au LHC d’envoyer d’intenses faisceaux de protons aux expériences, les opérateurs doivent procéder au « nettoyage » des tubes de faisceau. Cette opération est nécessaire pour réduire la formation de nuages d’électrons, lesquels entraîneraient des instabilités dans les faisceaux entrant en collision.

 

Les nuages d’électrons apparaissent dans les accélérateurs fonctionnant avec des particules de charge positive quand des électrons produits par l’ionisation de molécules résiduelles dans le vide ou par des effets photoélectriques dus au rayonnement synchrotron sont accélérés par le champ du faisceau et frappent la surface des chambres à vide, produisant ainsi d’autres électrons. Par un effet « boule de neige », ce processus peut déboucher sur la formation de nuages d’électrons. Les nuages d’électrons peuvent causer des dommages au faisceau pour plusieurs raisons. D’une part, les électrons qui frappent les parois libèrent également des molécules et dégradent ainsi l’ultravide des chambres de faisceau. D’autre part, une interaction électromagnétique se produit entre ces électrons et le faisceau, ce qui se traduit par l’oscillation et la dilatation des paquets de particules. Il s’ensuit une augmentation de la probabilité de transitions résistives des aimants supraconducteurs ainsi qu’une diminution de la luminosité. Toutefois, par chance, quand la production de nuages d’électrons devient suffisamment intense, après un certain temps, la probabilité que des électrons secondaires soient créés sur les parois des chambres devient plus faible et la réaction en chaîne est inhibée. Et donc, exploiter la machine à un régime créant d’intenses nuages d’électrons, c’est ce que l’on appelle « nettoyer la machine ».  

Le processus de nettoyage dans le LHC a commencé en douceur le mercredi 24 juin, quand les premiers longs trains de paquets avec un espacement de 50 nanosecondes ont circulé dans le LHC. En raison des importants nuages d’électrons créés au début de l’opération, les premiers faisceaux injectés avec cet espacement ont eu tendance à devenir instables et à perdre des particules. En revanche, ce nuage d’électrons a commencé à « nettoyer » les tubes de faisceau, réduisant ainsi le nombre d’électrons émis.

Grâce à cet effet bénéfique, davantage de paquets ont ensuite pu être injectés, tandis que, dans le même temps, la stabilité et la qualité du faisceau s’amélioraient. Environ 36 heures après le début du nettoyage, il a été possible de faire circuler dans la machine, dans des conditions stables, des trains de 600 paquets, avec une production de nuage d’électrons très limitée et, par conséquent, sans dégradation du faisceau.

À ce moment-là, les experts de la machine ont jugé que le processus de nettoyage pouvait se poursuivre de façon efficace par un simple rapprochement des paquets les uns des autres. Il a par conséquent été décidé de remplir le LHC de faisceaux composés d’un grand nombre de paquets, avec un espacement de 25 nanosecondes, ce qui représente également la configuration de faisceau visée pour atteindre la luminosité prévue pour la deuxième période d’exploitation.

Si ce changement a rendu l’exploitation des faisceaux plus difficile et a exigé l’utilisation de tous les outils à disposition pour stabiliser les faisceaux, l’importance des nuages d’électrons produits dans l’ensemble du LHC a augmenté rapidement et le nettoyage a bien avancé. Il a fallu environ quatre jours de plus pour que le LHC puisse être rempli avec 1 200 paquets, dans des trains de paquets serrés, avec un espacement de 25 nanosecondes. La stabilité du faisceau, d’abord difficile à gérer, s’est elle aussi progressivement améliorée à mesure que le nuage d’électrons devenait moins dense dans tous les secteurs de la machine.

L’étape suivante consistait à réaliser une exploitation d’essai avec des faisceaux formés de paquets espacés de 50 nanosecondes sur toute la circonférence du LHC, qui ne devait plus contenir de nuages d'électrons après la période de nettoyage. Cette étape a été franchie avec succès et a pris fin ce vendredi matin (3 juillet). L’exploitation de la machine est maintenant complètement validée pour un fonctionnement avec un espacement de 50 nanosecondes, et la préparation en vue d’un espacement de 25 nanosecondes a beaucoup avancé. Toutefois, des travaux sont encore nécessaires pour préparer le LHC à une exploitation à plein régime, avec des paquets espacés de 25 nanosecondes, plus tard dans l’année. Une autre exploitation de nettoyage aura lieu pendant l’été.

par Giovanni Rumolo, Giovanni Iadarola and Hannes Bartosik for the LHC team