Démarrage en beauté pour l’ensemble de la chaîne d’accélérateurs du CERN

La prise de données pour la physique ayant repris cette semaine au LHC, j’aimerais m’arrêter sur ce qui se passe dans le reste de la chaîne d’accélérateurs du CERN.

 

Le LHC est généralement à l’honneur dans les nouvelles venant du CERN, pour toutes sortes de raisons, y compris lorsqu’il est question d’une fouine, mais nous ne devons pas oublier qu’il y a, en amont de cette machine, une exceptionnelle chaîne d’accélérateurs, qu’un groupe extraordinaire de personnes entretient et fait fonctionner. Si l’ensemble de la chaîne d’accélérateurs ne fonctionne pas parfaitement, le LHC en subit les conséquences. Par ailleurs, en plus de constituer la chaîne d’injection du LHC, les accélérateurs situés en amont alimentent leurs propres expériences, qui apportent une grande diversité au programme de recherche du CERN.

La chaîne commence avec la source de protons et le Linac 2, qui fournissent fidèlement des faisceaux depuis 1978. Cette année, le Linac 2 a accéléré ses premiers faisceaux le 29 février. Les faisceaux sont ensuite envoyés au Booster du PS et au PS, vétéran et pilier du complexe d’accélérateurs du CERN, en service depuis 1959. Le SPS, opérationnel depuis 1976, constitue le dernier maillon de la chaîne avant le LHC ; cette année, il a repris du service avec faisceaux le 12 mars. Chacune de ces machines est unique en son genre et constitue à bien des égards un prototype, et chacune est extrêmement complexe en soi. À chaque redémarrage son lot de nouveaux défis, et c’est grâce aux équipes qui font fonctionner ces machines que, du point de vue d’un utilisateur, les choses semblent généralement marcher comme sur des roulettes. Côté défis, cette année n’a pas fait exception à la règle : une fuite de vide qu’il a fallu localiser et réparer dans la source de protons, le POPS (système d’alimentation pour les aimants principaux du PS) qui a travaillé en mode dégradé, et un aimant d’extraction du SPS qui a dû être changé.

Maintenant que les faisceaux sont de retour dans le Booster et dans le PS, les programmes des expériences ont commencé pour ISOLDE, dans la zone Est, pour n_TOF et pour le Décélérateur d’antiprotons. Les faisceaux exotiques d’ISOLDE sont utilisés pour des expériences dans des domaines allant de la structure nucléaire à l’astrophysique des particules. La zone Est abrite entre autres l’expérience CLOUD. Les expériences de n_TOF apportent des éléments d’information sur des sujets aussi divers que l’origine des éléments présents dans les étoiles ou l’élimination des déchets nucléaires, et celles du Décélérateur d’antiprotons sondent les mystères de l’antimatière. Quand le SPS a redémarré, plusieurs expériences de la zone Nord, étudiant des questions variées comme la structure nucléaire, le plasma quarks-gluons, les tests de précision du Modèle standard et l’origine des rayons cosmiques de très haute énergie, ont commencé leur campagne 2016.

C’est mon second message au personnel du CERN cette année. Le premier a coïncidé avec le début des tests de mise sous tension du LHC, en mars. Beaucoup de choses, en majorité positives, se sont passées depuis lors. Avec le retour des faisceaux dans le LHC à Pâques, nous avons retrouvé la machine en aussi bon état que nous l’avions laissée avant l’arrêt. Les multiples paramètres à maîtriser pour faire fonctionner une machine aussi complexe que le LHC ont pu être reproduits relativement facilement. Le nuage d’électrons qui se forme dans les tubes de faisceau et peut avoir une forte influence négative sur les faisceaux a été maîtrisé. Les problèmes rencontrés chemin faisant, le plus notable, vu de l’extérieur, étant celui causé par une fouine un peu trop curieuse dans une sous-station électrique, ont été étudiés, compris et réglés, et ont occasionné peu de dérangement et un retard minimal.

Grâce à la compétence et au dévouement des équipes qui prennent soin de l’ensemble des accélérateurs du CERN et les exploitent, je peux vous dire que nos machines fonctionnent extrêmement bien. Nous pouvons à présent nous mettre au travail en vue d’objectifs ambitieux pour 2016 ; nous prévoyons en effet de fournir environ six fois plus de données du LHC qu’en 2015. Au cours de ce périple, rappelons-nous que la route vers une nouvelle physique est rarement dépourvue d’embûches, mais qu’une fois à destination, on se dit toujours que le voyage en valait la peine.

Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie​​