LHC: la production des aimants est terminée!

Le 27 novembre, les équipes du LHC fêtaient la fin de la production des aimants principaux de la machine. Quelque 1232 aimants dipôles et 392 aimants quadripôles principaux ont été fabriqués au terme d'un effort du CERN et de l'industrie européenne sans précédent.


Lyn Evans, chef du projet LHC, et Lucio Rossi, chef du groupe Aimants, cryostats et supraconducteurs, devant le dernier aimant supraconducteur principal livré au CERN.

Ils en rêvaient depuis quatre ans: voir apparaître un beau zéro sur le tableau électronique surplombant l'entrée du 4e étage du bâtiment 30. Ce panneau avait été inauguré fin 2002 (voir Bulletin n° 44/2002). Il décomptait depuis le nombre d'aimants supraconducteurs dipôles restant à livrer au CERN.

Le lundi 27 novembre, Lucio Rossi et son groupe MCS (Aimants, cryostats et supraconducteurs du département AT) ont enfin vu apparaître le «zéro» tant attendu sur le panneau, marquant la fin de la production des 1232 aimants dipôles principaux. Un beau symbole, vingt ans après le début des premières études, treize ans après les premiers prototypes et six ans après les débuts de la production en série. L'événement était d'ailleurs fêté le jour même lors d'une célébration dans le hall SMA18, le hall d'assemblage des aimants. Les équipes fêtaient non seulement la fin de la production des aimants dipôles, mais également celle de tous les aimants supraconducteurs principaux.

Quasiment en même temps, la production des 392 aimants quadripôles insérés dans les sections droites courtes prend fin. «C'est un grand jour pour notre équipe. Il consacre plus de dix années de travail intense et la fin de la plus importante production jamais engendrée par un laboratoire de physique des particules», souligne Lucio Rossi. «Je voudrais remercier tous les membres de mon équipe ainsi que les industriels, qui ont été des partenaires indispensables et fiables», ajoute-t-il.

Les aimants dipôles (15 mètres de long pour 35 tonnes) forment la partie la plus importante de la machine du LHC, représentant environ 20 des 27 km de l'anneau. Refroidis à -271°C, ils doivent générer un champ magnétique supérieur à 8 teslas pour courber la trajectoire des protons dans le LHC. Les difficultés pour industrialiser ces composants sophistiqués étaient multiples. Il a fallu le travail acharné des membres du groupe MCS, emmenés par un chef à la détermination et à l'énergie indéfectibles, pour les surmonter. «Il faut également souligner le travail des autres groupes du département AT et des autres départements, notamment TS-MME et AB-ABP», ajoute Lucio Rossi.

La partie la plus complexe de l'aimant est le bobinage supraconducteur constitué d'un câble qui transporte des courants électriques de 13000 ampères. Chaque câble est formé d'une trentaine de brins contenant de 6000 à 9000 filaments en niobium-titane (l'alliage supraconducteur), dix fois plus fins qu'un cheveu. La production des 250000 kilomètres de brins pour les 7000 kilomètres de câble nécessaires aux aimants, avec une qualité continue et un contrôle rigoureux, a constitué un défi considérable pour l'industrie et le CERN.

Le bobinage est ensuite inséré dans une structure de colliers en acier austénitique. Douze millions de colliers ont été produits pour les aimants dipôles! Enfin, l'assemblage de ces composants et de dizaines d'autres qui forment les aimants a nécessité un long apprentissage de la part des trois sociétés qui ont partagé le contrat: Alstom-Jeumont (France), Ansaldo Superconduttori (Italie), Babcock Noell (Allemagne). Les trois industriels ont d'abord chacun réalisé une pré-série de 30 aimants avant de se voir attribuer la production de l'ensemble des aimants. L'implication des équipes du CERN a été permanente, depuis la définition des procédés jusqu'au contrôle de la qualité. Le Laboratoire a d'ailleurs testé certains des procédés d'assemblage sur son site avant de les transférer dans les trois compagnies. L'une des techniques innovantes développées par le CERN est la technique de soudure dite STT (Surface tension transfer) qui permet de souder l'enceinte de la masse froide avec une qualité et une rapidité autrement impossibles.

Les aimants quadripôles, bien que trois fois moins nombreux et moins imposants, n'en sont pas moins complexes à fabriquer. Ils sont destinés à focaliser les faisceaux et sont insérés dans des sections droites courtes avec d'autres aimants correcteurs. Leur conception et leur production ont été réalisées en collaboration étroite avec l'institut CEA-Dapnia de Saclay (France) dans le cadre de la contribution spéciale de la France au LHC. Depuis les premières définitions en 1989, il a fallu de nombreux prototypes et ajustements techniques avant de définir les spécifications techniques définitives et d'attribuer le contrat de fabrication à l'entreprise allemande ACCEL, en 2000. La grande variété de ces aimants rendait leur production d'autant plus complexe: les 360 aimants quadripôles des arcs comptent à eux seuls pas moins de 32 variantes! Là encore, la fabrication a nécessité une implication très forte de l'industriel et des laboratoires.

«La production des aimants supraconducteurs du LHC est un bel exemple de collaboration entre des Laboratoires de recherche et l'industrie», conclut Lucio Rossi «Cette coopération nous a beaucoup appris et nos partenaires industriels bénéficient dès à présent des techniques qui ont été spécialement développées.»


Des membres du groupe MCS posent devant le tableau électronique qui affiche le «zéro» tant attendu. Au premier rang, Philippe Lebrun, chef du département AT, Lucio Rossi, chef du groupe MCS, Robert Aymar, Directeur général du CERN, et Lyn Evans, chef du projet LHC.