Hommage à nos collègues et amis

Le CERN rend hommage aux victimes de l’accident d’avion survenu à Isparta en Turquie, le 30 novembre dernier.

La mort prématurée de six physiciens turcs, Engin Arik, Berkol Dogan et Engin Abat, de l’Université du Bosphore, et Senel Boydag, Iskender Hikmet et Mustafa Fidan, de l’Université Doğuş, dans un accident d’avion entre Istanbul et Isparta, le vendredi 30 novembre, a été une terrible nouvelle pour nous tous, en particulier pour leurs proches collègues. Les physiciens se rendaient à un atelier portant sur le projet « Turkish Accelerator Center », auquel collaborent dix universités turques. Certains d’entre eux étaient réputés mondialement ; d’autres, jeunes et talentueux, débutaient à peine leur carrière. Celles et ceux qui les connaissaient et qui travaillaient à leurs côtés leur rendent hommage dans les messages qui suivent.

Dans un message adressé à la mission de la Turquie à Genève, le Directeur général du CERN, M. Robert Aymar, a exprimé son profond chagrin à l’annonce de la nouvelle : « C’est une grande perte pour les chercheurs et les physiciens du monde entier. En ce triste moment, j’aimerais que vous sachiez que ma douleur est partagée par toutes les personnes qui, au CERN, reconnaissaient et appréciaient leurs qualités. Au nom du Laboratoire, je tiens à vous faire part de ma plus vive sympathie, ainsi qu’à toutes les personnes touchées par ce drame. »

Engin Arik était responsable du Département de physique expérimentale des hautes énergies de l’Université du Bosphore à Istanbul et travaillait pour les projets ATLAS et CAST. Ken Peach, Président du Comité des directives scientifiques et collègue d’Engin dans les années 70 et 80, se souvient : « C’était une physicienne remarquable, débordante d’énergie et d’enthousiasme avec une détermination farouche que cachait un sourire chaleureux. Elle manquera cruellement à toutes celles et à tous ceux qui la connaissaient. Nos pensées vont à sa famille et ses amis. »


Message de la Collaboration CAST

La disparition tragique de six physiciens turcs dans l’accident d’avion survenu la semaine dernière à Isparta a eu un effet véritablement dévastateur sur tous les membres de la Collaboration CAST, qui ont appris la nouvelle avec stupeur et incrédulité.

L’expérience CAST est suffisamment petite pour qu’on la considère encore comme une famille : pleine de vie, bruyante, parfois grincheuse, vivant souvent à la limite (voire au-dessus) de ses moyens, mais surtout unie lorqu’elle travaille sur un projet commun.

Sur les six physiciens turcs qui ont péri dans l’accident, quatre étaient membres de la Collaboration CAST - Engin Arik, Senel Boydag, Iskender Hikmet et l’étudiant-chercheur Berkol Dogan. Alors que Senel et Iskender ont contribué à distance aux travaux de CAST, Engin et Berkol y ont participé activement au CERN. Ces derniers ont joué un rôle important tant dans l’analyse des données que dans la préparation et l’exploitation de l’expérience.

Engin était une éminente physicienne nucléaire, de renommée mondiale, qui a promu la participation de la Turquie à des expériences telles que SMC, ATLAS et CAST. Intelligente, dynamique et infatigable, cette remarquable physicienne possédait de vastes connaissances et de nombreuses compétences en physique expérimentale. Elle s’employait très activement à promouvoir la physique des particules en Turquie et à faire participer davantage son pays qu’elle affectionnait tant à des projets scientifiques européens.

Ironie du sort, celle qui a passé sa vie à travailler dans l’intérêt de la science en Turquie l’a perdue en se rendant à une conférence destinée à faire avancer un projet d’accélérateur turc. Il régnait au sein la Collaboration CAST un esprit d’amitié fort et sincère entre les équipes turques et grecques. À n’en pas douter, Engin et ses collaborateurs y ont contribué pour beaucoup, car, au-delà de leur professionnalisme exemplaire, c’étaient des personnes chaleureuses et sincères.

Nous garderons d’Engin le souvenir d’une femme merveilleuse. Mais c’est également à ses étudiants qu’un professeur doit sa réputation. Et notre Berkol en était un brillant exemple pour elle. Quel garçon formidable il était ! Sympathique, poli, serviable, drôle et apprécié de tous. Il était aussi un doctorant doué, qui a passé deux longues périodes au CERN et qui s’est intéressé à tout ! Il détenait le record du nombre de postes effectués au sein de la Collaboration et il était considéré par tous comme une personne absolument fiable, sur laquelle on pouvait entièrement compter. Aimé de tous, Berkol était comme un petit frère ; sa disparition tragique nous a plongés dans un profond chagrin et une immense douleur, car il ne poursuivra pas une carrière prometteuse et il ne sera plus à nos côtés.

Comme disaient les Grecs de l’Antiquité « Το πεπρωμένον φυγείν αδύνατον » ou en turc, « Kadere karşı gelemezsin », ce qui signifie « on n’échappe pas à son destin ».

Le destin a été cruel pour Engin, Senel et Iskender, et encore plus pour le jeune Berkol. Nous les regrettons tous terriblement et nous nous sentons entièrement solidaires devant leur disparition, qui a submergé la famille CAST de chagrin. Il nous faut à présent continuer sans eux, et nous sommes déterminés à donner le meilleur de nous-mêmes pour trouver l’insaisissable axion en leur honneur. Nous ne les oublierons jamais.

Au nom de la Collaboration CAST
Martyn Davenport (coordinateur technique)
Konstantin Zioutas (porte-parole)


Message de condoléances de la Collaboration ATLAS

La Collaboration ATLAS a été profondément choquée et bouleversée par la disparition tragique de ses collègues. Pour beaucoup d’entre nous, les victimes étaient bien plus que de simples collègues, des amis très chers.

Nos premières pensées vont à leurs familles et proches à qui nous présentons nos sincères condoléances. Nous tenons également à exprimer notre plus vive sympathie à tous nos collaborateurs de Turquie, à nos collègues des départements de physique ainsi qu’à l’ensemble de la communauté turque de physique des particules.

Le professeur Engin Arik a joué un rôle de premier plan dans la participation de la Turquie au projet ATLAS et, plus généralement, dans la participation de la Turquie aux activités du CERN. Engin avait rejoint la Collaboration ATLAS peu de temps après sa création, il y a quinze ans. Grâce à son vif enthousiasme pour la physique, elle a motivé plusieurs générations de jeunes physiciens à travailler dur sur le projet pour le mener à bien. Qu’il est triste de penser qu’elle ne pourra pas assister avec nous à l’aboutissement de notre rêve commun lorsque le Grand collisionneur de hadrons (LHC) sera opérationnel et produira une nouvelle physique.

Engin Abat et Berkol Dogan faisaient partie des jeunes et brillants étudiants d’Engin Arik. À l’image de leur professeur, ils mettaient toute leur passion au service de la physique. Il paraît d’autant plus cruel de penser qu’ils seront privés des grands événements à venir, dans lesquels ils s’étaient tant investis.

L’esprit de solidarité que le professeur Engin Arik avait créé au sein de la Collaboration ATLAS perdurera et nous ferons tout pour le cultiver. Nous n’oublierons pas Engin Arik à ATLAS, et nous espérons honorer sa mémoire, ainsi que celle d’Engin Abat et de Berkol Dogan, en continuant à mener en commun de fructueux travaux de recherche en physique, auxquels ils auraient aimé participer.

Au nom de la Collaboration ATLAS
Peter Jenni (porte-parole)