Sigurd Lettow - Adapter les ressources pour transformer le Laboratoire

Alors qu’une nouvelle ère de physique s’ouvre avec le démarrage du LHC, l’un des grands chantiers du directeur de l’administration et de l’infrastructure générale est de transformer le CERN en laboratoire capable d’accueillir plus de 9000 utilisateurs. Mais les ressources limitées imposent de difficiles arbitrages pour celui qui supervise également les finances du Laboratoire.



Sigurd Lettow est le seul directeur resté en place après l’arrivée du nouveau Directeur général Rolf Heuer, mais ses priorités s’inscrivent dans la continuité. A la Direction de l’administration et de l’infrastructure générale, il poursuit un effort lancé depuis son arrivée pour moderniser le Laboratoire et le préparer à la phase d’exploitation du LHC. «Avec le nouveau Directeur général, l’esprit et le style changent, du fait de sa personnalité et de sa volonté de renforcer la communication et d’adopter une attitude ouverte. Pour autant, nos priorités sont principalement liées à l’évolution du Laboratoire», souligne Sigurd Lettow.

Le CERN passe d’une période de construction à une période d’exploitation, d’une ère orientée vers l’ingénierie à une ère orientée vers la physique. Le rôle de Sigurd Lettow est de mettre à disposition les ressources nécessaires pour que le CERN s’adapte à cette nouvelle ère et devienne un véritable laboratoire pour les utilisateurs. «Nous devons trouver des solutions pour consolider nos infrastructures. Nous avons par exemple lancé les travaux pour de nouvelles salles de conférence pour ALICE et LHCb. Nous devons également agrandir le Restaurant n°1 et lancer la construction d’un nouvel amphithéâtre», souligne Sigurd Lettow. S’adapter aux utilisateurs signifie également simplifier leurs démarches. «Les utilisateurs ne devraient avoir qu’un seul point d’accès au Laboratoire et qu’une seule personne pour un service donné. En regroupant les services généraux et l’infrastructure au sein d’un même département, nous allons dans ce sens», poursuit-il.

Parallèlement, les infrastructures existantes vieillissent et doivent être consolidées. «Nous devons rénover des bâtiments et, en même temps, la chaîne d’injection des accélérateurs.», explique-t-il. Mais cette tâche s’avère excessivement ardue au vu des ressources limitées du Laboratoire. Les efforts réalisés au cours des cinq dernières années ont permis d’amoindrir les difficultés financières. «Un succès considérable du précédent mandat a été d’obtenir une augmentation de budget, la première depuis 20 ans», souligne Sigurd Lettow. De même, hormis le coût des réparations du secteur 3-4 à inscrire dans le budget 2009, les comptes pour la construction du LHC sont bouclés. L’instauration d’une gestion par objectifs, qui définit les budgets en fonction des activités et projets et non plus par département, et la mise en place d’un nouveau système de planning et de contrôle, qui fonctionne désormais pour tout le CERN, permettent d’accroître l’efficacité du Laboratoire. «Nous avons radicalement changé l’état d’esprit. Il ne s’agit plus de savoir de quelle manière nous allons dépenser le budget, explique Sigurd Lettow, nous présentons des activités et des objectifs au Conseil qui attribue le budget pour les réaliser». Pour la première fois cette année, la Direction va de surcroît présenter au Conseil un rapport annuel de ses objectifs et de ses réalisations en 2008, une sorte de «MARS» du directoire. «Je suis satisfait d’être jugé sur mes réalisations et non sur ma capacité de dépenser de l’argent», insiste Sigurd Lettow. Ces efforts de modernisation renforcent la confiance du Conseil et des organismes de financement envers le Laboratoire et contribuent à assurer sa pérennité.

Néanmoins, le problème du flux de trésorerie reste épineux. Le CERN doit finir de rembourser les emprunts pour le LHC et les prêts à court terme pour pallier les difficultés de trésorerie. «Les prêts à court terme du CERN atteignaient 400 millions de CHF à la fin 2008», explique Sigurd Lettow. Même si les dettes vont considérablement diminuer – le principal prêt de la Banque européenne d’investissement sera remboursé cette année – la marge financière est quasiment nulle pour financer les projets. «Comme l’a souligné Rolf Heuer, il faut faire preuve de créativité pour trouver des fonds additionnels. Nous pourrions réaliser plus de projets en collaboration avec l’Union européenne. En renforçant les transferts de technologies et de connaissances, nous pouvons convaincre les organismes de financement de nous aider.» Une autre idée est de proposer à la communauté des instituts associés au CERN d’accroître leur participation aux activités en fournissant du matériel, ou de la main d’œuvre, ou en prenant en charge des lots de travaux complets.

La gestion des ressources humaines s’inscrit également dans la continuité. La mobilité interne, par exemple, est un engagement repris par Rolf Heuer. Cette volonté s’est jusqu’à présent heurtée à de nombreux obstacles. «La mobilité interne a souffert des barrières existantes, mais pas toujours visibles, entre les départements», explique Sigurd Lettow. Le nouveau mode de gouvernance par activités et projets, qui fait travailler les équipes ensembles indépendamment de leur appartenance à un département, contribue à faire tomber ces barrières. «De plus, la mobilité interne doit faire l’objet d’une concertation plus importante», explique-t-il. La communication renforcée au sein du Directoire et avec les chefs de département devrait favoriser cet effort.

Un autre chantier des ressources humaines concerne la politique des contrats qui doit être adaptée aux nouveaux besoins, en tenant compte des leçons apprises au cours des deux dernières années. De même, le ratio entre contrats à durée indéterminée et contrats à durée limitée doit être adapté aux activités. «Ce ratio ne fait pas l’objet d’un dogme comme on a pu le penser, explique Sigurd Lettow, Pour chaque activité nous devons définir si nous devons assurer une continuité et/ou introduire une rotation.» L’objectif est d’être capable en permanence de recruter des talents tout en conservant l’expertise existante. C’est un facteur clé pour maintenir l’excellence et assurer la pérennité du CERN.

Le parcours de Sigurd Lettow

Directeur des finances et des ressources humaines du CERN depuis janvier 2007, Sigurd Lettow voit ses attributions élargies à l’infrastructure générale. Avant de prendre ses fonctions au CERN, ce juriste et administrateur de 58 ans a exercé plusieurs postes à responsabilité dans le milieu scientifique en Europe. Il a été chef de l’administration de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble entre 1994 et 2001. Il est ensuite devenu Vice-président du Conseil exécutif du Centre de recherche de Karlsruhe en Allemagne. Une année plus tard il a été en plus nommé Vice-président de l’Association Helmholtz, dont le Centre de Karlsruhe fait partie. Avec 16000 employés répartis dans 15 centres de recherche, dont DESY et GSI, l’Association Helmholtz est la plus grande organisation de recherche en Allemagne. Durant cette période, il a été membre du Comité d’examen externe du CERN mis en place après la crise financière de 2002.