Le CERN de demain



Le groupe de travail du Conseil sur l’élargissement scientifique et géographique du CERN s’est réuni pour la première fois la semaine du 9 mars. La réunion, prometteuse, a donné le ton à un processus qui s’annonce décisif. Un calendrier des réunions et des consultations a été établi et, si tout va bien cette année, nous pouvons nous attendre à ce que des recommandations soient formulées à la réunion du Conseil de décembre.

Lors de ma présentation aux Cernois, en janvier dernier, j’ai suscité beaucoup de curiosité en déclarant que rien n’était exclu. J’aimerais donc clarifier ce que j’entendais par là. En tant que directeur général, je me devais de lire la Convention du CERN. C’est un document remarquablement concis et clairvoyant, qui reste autant d’actualité aujourd’hui qu’à l’époque de sa rédaction, il y a plus d’un demi-siècle. Je vous recommande vivement de le lire, si ce n’est pas déjà chose faite.

La Convention prévoit que l’Organisation «assure la collaboration entre États européens» et compte parmi ses activités «l’organisation et l’encouragement de la coopération internationale». Dans l’article relatif aux conditions d’adhésion, le document énonce diverses exigences pour devenir membre, mais n’indique nulle part explicitement que la qualité de membre devrait être limitée à des États européens. Je l’ai souligné pour attirer l’attention sur un défi majeur que la communauté mondiale de physique des particules doit relever aujourd’hui. Nous devons réfléchir très sérieusement à la manière dont nous voulons nous organiser à l’avenir et au rôle que doivent jouer les institutions telles que le CERN.

Nous devons définir une stratégie qui renforce notre discipline à tous les niveaux: national, régional et mondial. Et nous devons déployer nos ressources limitées là où elles sont susceptibles d’être le mieux mises à profit. Cette stratégie devrait permettre que des projets de faible envergure soient menés à bien localement, tout en s’inscrivant dans un programme planétaire intégré. Les projets exigeant davantage de ressources, notamment ceux qui visent à explorer la frontière des hautes énergies, devraient dès le départ être conçus et mis en œuvre en tant que projets mondiaux. Cela ne sera possible que si les chercheurs comme les organismes de financement établissent de nouveaux modes de collaboration. Je suis convaincu que la physique des particules a besoin non pas d’un seul, mais de plusieurs projets mondiaux pour continuer de prospérer. Nous devons faire en sorte que des projets complémentaires soient mis en œuvre dans les régions les plus propices, sans faire double emploi. Les astronomes le font déjà: leurs télescopes sont installés là où le ciel peut être observé de manière optimale mais, où que se trouvent leurs installations, elles accueillent des personnes de toute la planète. Il en va de même du LHC. À l’avenir, c’est cependant toutes les expériences de physique des particules, de la plus petite à la plus grande, que j’aimerais voir ainsi planifiées et intégrées.

C’est mon point de vue, qui n’est qu’un avis parmi d’autres. D’où l’importance du groupe de travail du Conseil. Pour que la physique des particules progresse au niveau mondial, nous avons besoin de contributions de toute la planète: des représentants des Amériques et de l’Asie participeront au processus et les résultats seront rendus publics pour que le monde puisse les utiliser. Je me réjouis à la perspective de participer à ce processus et de voir quel avenir se dessinera pour le CERN.

Rolf-Dieter Heuer