Paul Collier: Jongler avec les faisceaux

En tant qu’ancien chef du groupe Opérations du département AB, Paul Collier était aux commandes, avec son groupe, pour piloter le vol inaugural du faisceau du LHC, lorsque le faisceau a parcouru pour la première fois la totalité de l’anneau. Mais à présent, en tant que chef du département Faisceaux, il devra garder les pieds sur terre pour jongler avec toutes les activités concernant les faisceaux au CERN.



«En tant que chef de département, j’aurai moins de contact direct avec les machines, explique Paul Collier, avec une pointe de regret. Bien sûr, je continuerai à m’en occuper, mais je n’aurai plus l’occasion d’être derrière la console…» En sa qualité de chef du département BE, Paul Collier a sous son autorité près de 400 personnes, et il supervise toutes les activités liées aux faisceaux, y compris la préparation de la plus longue période d’exploitation des faisceaux dans l’histoire du CERN.

Dans la nouvelle organisation, les départements BE, TE et EN ont été regroupés au sein du secteur Accélérateurs et technologies. «Travailler en partenariat, c’est la clé pour ces trois départements, souligne Paul Collier. La nouvelle structure a été pensée pour renforcer les synergies dans tout le secteur, afin que les activités connexes soient groupées de façon plus logique. La structure que nous avions jusqu’à l’année dernière était principalement conçue pour la construction du LHC. Maintenant, nous passons à la phase suivante, où nous allons faire fonctionner cette machine. Alors il faudra bien sûr un peu changer d’orientation. Dans la nouvelle structure, les trois départements sont des partenaires égaux pour l’exploitation du complexe d’accélérateurs.»

Même si sa tâche principale est de faire fonctionner le LHC, le département BE doit aussi veiller à ce que les équipes soient prêtes à assurer une période d’exploitation qui va être très longue. Le LHC fonctionnera de fin septembre 2009 à octobre 2010, mais les essais de matériel et les mises sous tension commenceront dès juin 2009. De plus, le reste du complexe fonctionnera normalement chaque année, d’avril à novembre. «La première chose à faire est de voir si les machines elles-mêmes peuvent faire face, qu’il s’agisse du LHC ou du reste du complexe» explique-t-il.

S’agissant du redémarrage du LHC, remettre en route la chaîne d’injection à la fin de l’actuelle fermeture hivernale constitue un point crucial. «Du point de vue de la chaîne d’injection, mettre en place le faisceau du LHC est une opération… j’allais dire «une opération de routine», mais faire fonctionner un accélérateur, ce n’est jamais de la routine! Cela dit, nous savons déjà comment produire exactement les faisceaux dont le LHC a besoin. Reprendre après une période de fermeture demande toutefois toujours une mise en place et un réglage des faisceaux pour tous les utilisateurs, y compris le LHC.»

Afin de garantir le bon déroulement de toute la phase d’exploitation, les équipes doivent aussi soigneusement planifier la manière dont la chaîne d’injection fournira le faisceau tant au LHC qu’aux utilisateurs normaux, comme le programme avec cibles fixes, le projet CNGS et les expériences AD, Rex/Isolde et n-TOF. Alors que les autres installations seront arrêtées comme d’habitude durant l’hiver, le LHC continuera de fonctionner et exigera une alimentation en faisceaux «à la demande» de la part du complexe d’injecteurs. «À ce stade, le LHC a simplement besoin de faisceaux de bonne qualité pendant, on l’espère, quelques heures par jour, le temps du remplissage en vue d’une exploitation pour la physique. Il n’a pas besoin d’intensités très élevées comme le projet CNGS ou les expé-riences avec cibles fixes, ce qui permettra à l’ensemble d’injecteurs d’être moins sollicité que pendant les périodes d’exploitation normales, explique Paul Collier; c’est l’une des raisons principales pour lesquelles nous pouvons avoir une période d’exploitation aussi longue. Lorsqu’il ne fournira pas de faisceaux au LHC, l’ensemble d’injecteurs sera mis en «standby» afin d’économiser de l’énergie.»

Paul Collier doit s’assurer que les machines comme le personnel pourront faire face à cette longue période d’exploitation. Celle-ci sera en effet très éprouvante pour tous et il s’agira surtout d’éviter les phases d’épuisement! «L’aspect humain est également essentiel, souligne Paul Collier. En temps normal, certaines équipes sont plus actives durant les périodes d’exploitation et d’autres durant les périodes d’arrêt. À présent, tout le monde sera plus ou moins à plein régime! Il est clair que nous devrons doser nos efforts.»

Même si sa mission principale est de trouver un compromis entre le LHC et toutes les autres installations pour ce qui est de l’alimentation en faisceaux, le département BE regarde aussi vers l’avenir. Le personnel du département Faisceaux participe en effet à de nombreuses activités de R&D, notamment le projet CLIC, la construction du LINAC 4 et les autres projets d’amélioration du LHC.

Le parcours de Paul Collier

La carrière de Paul Collier au CERN a commencé à la fin des années 80. Alors qu’il enseignait à l’Université Hallam de Sheffield en Angleterre, Paul Collier a eu l’occasion de rencontrer deux lauréats du prix Nobel, Carlo Rubbia et Simon Van der Meer. De cette rencontre est né le désir de venir travailler au CERN.

En 1987, il a rejoint l’Organisation en qualité de boursier, pour travailler sur le système RF du LEP. Il est ensuite passé au groupe Opérations du département SL et est devenu ingénieur chargé de l’exploitation pour le LEP. Il a ensuite été coordinateur de machine au LEP, fonction qu’il a occupée jusqu’au démantèlement de l’accélérateur en 2000. Parallèlement, il a travaillé sur l’amélioration du SPS de 1996 jusqu’à l’achèvement du projet en 2005. En 2005, il est devenu chef du groupe Opérations du département AB. Depuis janvier 2009, il est chef du département Faisceaux.