Une technologie développée au CERN emprisonne l’énergie du Soleil
Une entreprise de génie civil utilise depuis peu, la technologie des panneaux solaires thermiques à ultravide développée au CERN. En évitant très efficacement les pertes thermiques, cette technologie chauffe un fluide à une température de plusieurs centaines de degrés, même en climat tempéré.
La succursale genevoise de l’entreprise de construction routière Colas a inauguré mardi 15 juin une centrale de panneaux solaires thermiques à ultravide, dont la technologie a été développée au CERN. D’une surface totale de 80 mètres carrés, ce « champs solaire » chauffe écologiquement près de 80 000 litres de bitume à 180 degrés. « Pour monter si haut en température, je me suis inspiré des technologies d’ultravide que j’avais apprises au CERN », explique Cristoforo Benvenuti, l’inventeur des panneaux.
En effet, l’ultravide est l’ingrédient qui rend ces panneaux solaires si innovants. « Il est très intéressant car il minimise les pertes de chaleur, poursuit Cristoforo Benvenuti. La température d’un panneau fonctionne comme un compte en banque. Quand on n’a pas beaucoup de revenus, une façon d’augmenter son compte en banque, c’est de diminuer ses dépenses. C’est la même chose pour les panneaux : pour monter la température, il faut éviter les pertes thermiques. Et le vide est le meilleur isolant thermique que la nature nous offre. » Pour maintenir cet ultravide, des pompes Getter sont utilisées. Elles fonctionnent un peu comme des éponges chimiques, en retenant les molécules d’air qui ont la malchance de s’y aventurer.
Le second ingrédient, non négligeable au vu des conditions météorologiques genevoises, est la lumière diffuse, aussi appelée lumière indirecte. Elle est récupérée par réflexion grâce à deux miroirs cylindriques (voir photo). « Ainsi, les panneaux produisent de la chaleur, qu’il y ait du soleil ou pas ! » C’est utile, car, en Europe centrale, la lumière diffuse peut dépasser 50% du total de la puissance solaire disponible.
« Tout cela montre encore une fois que les technologies initialement développées pour la recherche fondamentale peuvent conduire au développement de produits innovants, déclare Hartmut Hillemanns, membre du groupe du Transfert de technologies et de connaissances. Même si le délai de mise sur le marché est généralement compris entre 5 et 10 ans, l'investissement en temps et main-d'œuvre nécessaire pour que des technologies prototypes atteignent un niveau de commercialisation porte ses fruits et contribue à démontrer l’importance et l'utilité de la physique des particules pour la société en général. »
Cette technologie verte peut intéresser bien d’autres industries, dans la construction, la chimie ou l’agroalimentaire, par exemple. Il est en tout cas dores et déjà envisagé par Colas qu’elle soit étendue à l’international. Par contre, elle est moins intéressante pour les particuliers : « Les panneaux produisent de l’eau chaude, mais à des températures très élevées, jusqu’à 300 degrés, justifie Cristoforo Benvenuti. Des panneaux plus simples et probablement moins chers sont plus adaptés pour une application à plus basse température, comme c’est le cas pour une utilisation privée ».
En tout cas, les développements de technologies sont des tremplins à l’innovation, car ils n’apportent pas qu’à l’industrie, mais aussi à la recherche elle-même, comme l’atteste Cristoforo Benvenuti : « Au départ, je me suis inspiré des technologies d’ultravide du CERN. Puis cela m’a amené à m’intéresser aux pompes Getter. Quand j’ai compris leur intérêt, je les ai proposées pour le LEP et le LHC. Maintenant, elles y sont largement utilisées. Il y a donc eu en quelque sorte du va et vient ; c’est un échange profitable pour le solaire comme pour le CERN ! »
Regardez la vidéo sur les panneaux solaires :
par Alizée Dauvergne