André Petermann (1922-2011)

La communauté de la physique théorique du CERN est en deuil : André Petermann, l’un des premiers membres de la division Théorie, est décédé en août dernier, dans sa 89e année. André Petermann inventa, avec son directeur de thèse Ernst Stueckelberg, le groupe de renormalisation, qui fut l’un des fondements de la théorie moderne des transitions de phases et de la liberté asymptotique en théorie quantique des champs, et qui fut aussi à l’origine des efforts déployés pour l’unification de toutes les interactions de particules.

 

André était l’un des tout premiers membres du personnel titulaires du CERN, qui était au départ un petit groupe de théoriciens réunis à l’Institut Niels Bohr de Copenhague, dirigé par Bohr lui-même. À son arrivée à Genève, le groupe s’est installé dans des baraques, à Cointrin, à côté de l’aéroport, avant de déménager pour l’Université de Genève puis, enfin, de s’établir sur le site de Meyrin. André était notre dernier lien direct avec nos origines nomades.

L’importance des premiers travaux d’André sur le groupe de renormalisation fut saluée par Kenneth Wilson lorsque ce dernier reçut le prix Nobel de physique pour son application du groupe de renormalisation aux phénomènes critiques. À la suite d’une lettre de félicitations que lui avait adressée André, il eut l’amabilité de rendre hommage à l'article que celui-ci avait cosigné avec Stueckelberg pour avoir donné l’impulsion première à toute la réflexion sur le groupe de renormalisation.

Une autre contribution notable qu’André a apportée à la théorie des champs et à la physique des particules est son calcul novateur de la correction de l’ordre sous-dominant au moment magnétique anormal du muon. Il a été décisif pour l’interprétation de la fameuse mesure expérimentale de cette quantité, effectuée au CERN, et reste une référence aujourd’hui, l’interprétation théorique de cette quantité étant d’une grande actualité.

Les intérêts scientifiques d’André étaient vastes. Pendant ses dernières années, ils s’étaient étendus à la grande unification et à l'étude des compactifications des supercordes. Longtemps après sa retraite officielle, on le trouvait souvent occupé à parcourir des prétirages tard le soir. Beaucoup d’entre nous se rappellent avec émotion les longues conversations téléphoniques avec André, qui nous appelait pour nous poser mille questions sur quelque publication récente.

André comptait beaucoup pour nous. C’était un esprit clairvoyant, une personnalité aux intérêts multiples et un homme intègre. Il avait une compréhension profonde de la physique et des mathématiques. C’était un homme exceptionnel et ses diverses contributions à la physique perdureront.

La communauté des théoriciens du CERN lui est reconnaissante et nous sommes dans la peine.

Luis Alvarez-Gaumé, Ignatios Antoniadis, John Ellis et André Martin.