Une nouvelle installation pour la communauté neutrino

Pour faire suite aux recommandations du document relatif à la stratégie européenne pour la physique des particules mise à jour, le CERN met actuellement en place un programme visant à répondre aux besoins de R&D sur les détecteurs de neutrinos. Dans le cadre de ce programme, une nouvelle plateforme neutrino verra le jour en 2016 dans la zone Nord, et le détecteur de neutrinos ICARUS arrivera au CERN cette semaine pour y être rénové et amélioré.

 

La première TPC d' ICARUS est arrivée au CERN le 1er décembre. Elle est maintenant installée dans une salle blanche au CERN. 

Le CERN a pour vocation de mettre à la disposition des physiciens des particules les infrastructures techniques les plus modernes pour leur travail. La nouvelle plateforme neutrino du CERN ne fera pas exception. « La nouvelle plateforme permettra à la vaste communauté de spécialistes des neutrinos de mettre en œuvre leurs programmes de R&D au CERN en vue de leur participation aux expériences neutrino de grande ampleur qui seront réalisées dans le monde entier, explique Sergio Bertolucci, directeur de la recherche et de l’informatique du CERN. Le CERN a pour objectif de faciliter et favoriser la collaboration en Europe entre les divers instituts, indépendamment de la solution expérimentale qui sera finalement adoptée par d'autres laboratoires. »

Les neutrinos sont des particules insaisissables très difficiles à détecter et étudier. Ces dernières années, plusieurs expériences ont signalé l’existence d’anomalies qui ne peuvent être facilement expliquées dans le cadre des théories actuelles. Des modèles allant au-delà du Modèle standard ont été élaborés dans le but d’expliquer ces résultats, dont certains supposent un ou plusieurs neutrinos supplémentaires qui n'interagissent pas de la même façon que les trois neutrinos figurant dans le Modèle standard. Des études complémentaires et des expériences plus précises sont nécessaires pour clarifier la situation.

Rendu en 3D de l'extension du hall EHN1.

La nouvelle installation du CERN comprendra une extension de 70 mètres du hall d’expérimentation EHN1, qui permettra d’héberger les instruments. « Il est prévu que nous mettions en circulation les premiers faisceaux de particules chargées en 2017, une fois achevés tous les travaux d’infrastructure et de génie civil nécessaires pour moderniser le hall d’expérimentation, indique Marzio Nessi, chef de projet pour le programme neutrino du CERN.  En 2014, le CERN a approuvé deux projets à mettre en œuvre dans le cadre du programme neutrino : la rénovation du détecteur ICARUS T600 et les travaux de R&D sur le détecteur Laguna. » 

La deuxième TPC d'ICARUS a quitté le Laboratoire du Gran Sasso en Italie mardi 9 décembre et devrait arriver au CERN avant Noël. (Crédit image : INFN)

Avec ses 760 tonnes, ICARUS T600, le détecteur de neutrinos à l’argon liquide le plus grand du monde, a été utilisé de 2009 à 2012 par une collaboration internationale au Laboratoire du Gran Sasso, en Italie. « ICARUS est à ce jour ce qui se fait de mieux en matière de techniques à l'argon liquide utilisées pour les chambres à projection temporelle, explique Carlo Rubbia, qui a été à l’origine de l’idée d’ICARUS et qui est le porte-parole de l’expérience depuis 1977. C’est une grande réussite, le résultat de 25 années de travaux de recherche et de développement financés par l’INFNL’une des caractéristiques les plus importantes de cette technologie est l'argon liquide d’une grande pureté contenu dans le détecteur, qui permet des résultats remarquables du point de vue de la survie des électrons libres : leur durée de vie équivaut à celle obtenue dans le cas d’une contamination par de l’oxygène au niveau d’un millionième de millionième. Cette nouvelle technologie a ouvert la voie à un détecteur visuel inédit de type « chambre à bulles » fonctionnant de manière continue à la pression atmosphérique et enregistrant les informations calorimétriques avec précision. » Les chambres à projection temporelle (TPC) du détecteur seront maintenant rénovées au CERN en vue de nouvelles utilisations possibles dans de futures expériences. La première TPC est arrivée au CERN le 1er décembre ; la deuxième a quitté le Laboratoire du Gran Sasso mardi dernier et devrait arriver au CERN avant Noël.  

La nouvelle plateforme neutrino sera également utilisée pour tous les aspects de logistique liés aux programmes de R&D, qui seront approuvés par les comités et la Direction du CERN. « La plateforme du CERN constituera un appui pour les expériences sur les neutrinos également dans les domaines de la cryogénie, de la technologie des aimants et des techniques d’intégration et d’assemblage, et, de façon générale, dans tous les domaines où le CERN possède des compétences éprouvées au niveau mondial, conclut Sergio Bertolucci. Toutefois, le CERN ne s’est pas pour l’instant engagé à fournir des faisceaux de neutrinos. En fait, nous restons ouverts aux discussions en vue d’un plan d’action à définir d’un commun accord avec les autres laboratoires. »

par Antonella Del Rosso