Il n’y a pas que la date



Chaque semaine, le planning est examiné dans tous ses détails au Comité de la machine LHC, dans lequel sont représentés les quatre expériences et chaque groupe technique du secteur des accélérateurs. « Presque chaque semaine, le calendrier est modifié, et, bien que la date finale reste presque toujours la même, l’organisation intérieure est complètement différente, » explique Steve Myers, directeur du secteur des accélérateurs, qui préside ce comité.

Étant donné l’interdépendance extrême entre les différents types de travaux dans le LHC, une modification même anodine peut entraîner un bouleversement complet du calendrier. Par exemple, quelque chose d’aussi simple que le nettoyage d’une tour de refroidissement – imposé à intervalles réguliers par la législation suisse pour éviter la présence de légionelles – a un impact énorme sur la planification. « Pendant qu’on nettoie les réservoirs d’eau, on ne dispose plus de refroidissement par eau pour les compresseurs, donc on ne peut plus faire marcher la cryogénie, et la température commence à monter », explique S. Myers. « Si un secteur passe au-dessus de 100 K, l’expansion thermique peut entraîner des dégâts et on risque d’avoir à remplacer des pièces. »

Une opération plus étendue, telle que le réchauffement d’un secteur, crée encore plus de complications, et parfois, les responsables doivent avoir l’impression d’essayer de maîtriser un Rubik’s Cube géant. Ainsi, bien que disposant d’une des plus grandes capacités de stockage d’hélium liquide au monde, le CERN ne peut contenir dans ses réservoirs qu’un peu plus de la moitié de la quantité totale d’hélium présent dans le LHC – le reste doit rester dans la machine. « Pour réchauffer un secteur, vous devez faire passer tout l’hélium dans un autre secteur. Et si ce dernier secteur est déjà plein d’hélium, vous devez transférer cet hélium-là plus loin. On finit par jouer aux chaises musicales avec l’hélium ! »

Le calendrier de redémarrage initial a été décidé au cours de la réunion de Chamonix, en février dernier. « En fait, nous avons réalisé beaucoup plus que ce que nous avions prévu à Chamonix, déclare S. Myers. À l’origine, le calendrier se centrait principalement sur les réparations dans le secteur 3-4 – réparation, réinstallation et interconnexion des aimants – mais depuis lors, beaucoup de travaux de consolidation supplémentaires ont été menés tout au long de l’anneau, les plus importants étant les nouvelles soupapes, et tout un nouveau système de protection contre les transitions symétriques. «Tout cela permettra de rendre la machine plus sûre, commente S. Myers.»

« À Chamonix, nous avons convenu d’un calendrier axé sur une réalisation optimale, mais nous savions, avec l’expérience de l’année précédente, que divers imprévus pouvaient nous ralentir, explique S. Myers. Même avec tous les travaux supplémentaires que nous avons ajoutés au programme, et nous en avons ajouté beaucoup, nous étions encore dans le planning jusqu’à début mai. Nous avons réussi à tenir les délais en mettant beaucoup plus d’effectifs sur les opérations critiques et en refaisant le calendrier chaque semaine. »

Alors que la majorité des travaux supplémentaires n’a pas eu d’incidence sur le calendrier, deux problèmes rencontrés ont rendu nécessaire le réchauffement de secteurs, entraînant un retard inévitable. « Fin mai, nous avons découvert un problème concernant les barres omnibus à stabilisateurs cuivre, et nous n’avons pas eu le choix, il a fallu réchauffer le secteur 4-5 ». Actuellement, les huit secteurs ont subi des mesures de résistance permettant de déceler d’éventuelles imperfections. Ces mesures d’importance cruciale permettront aussi de déterminer l’énergie à laquelle on peut faire fonctionner la machine en toute sécurité (voir le communiqué de presse). Plus récemment, deux fuites ont été découvertes dans le vide d’isolation, nécessitant le réchauffement partiel de deux autres secteurs.

Même une fois les réparations terminées, la planification du calendrier de redémarrage restera une tâche très complexe, en particulier si on considère qu’un essai de mise sous tension dans un seul des huit secteurs du LHC empêche de travailler dans la moitié de l’anneau. « Naturellement, nous voulons redémarrer aussitôt que possible, déclare S. Myers. Néanmoins, avec une machine comme celle-là, nous ne pouvons pas nous précipiter, le prix à payer serait trop élevé. »