C'est bon, j'ai fait mon boulot !

Le 13 août 1989, la collaboration OPAL détectait la première particule Z du Grand collisionneur électron-positon. Quelques semaines plus tard, le 20 septembre, la machine était prête à être exploitée pour la physique. On peut imaginer l’enthousiasme des équipes qui avaient collaboré pour mener à bien le projet et la satisfaction d’Emilio Picasso, qui avait dirigé celui-ci.


Parution du Bulletin qui annonce la nouvelle des premières collisions au LEP. La version originale est disponible à la Bibliothèque du CERN.



Nommé chef de projet en 1980 par Herwig Schopper (alors nouveau directeur général), Emilio Picasso était un homme bien connu, notamment pour ses travaux dans le cadre des expériences g-2 menées au CERN. Celles-ci utilisaient un anneau de stockage de 40 m de circonférence. Le LEP était une machine d’une échelle toute différente : de quoi stimuler l’intérêt d’Emilio Picasso! « La nouveauté, c’est toujours passionnant! », explique-t-il. Un point de vue qui a orienté toute sa carrière, que ce soit pour l’étude des rayons cosmiques à l’aide de ballons, ses travaux sur les chambres à bulles ou les expériences g-2.

Il lui a tout d’abord fallu constituer une équipe de responsables avec les personnes les plus compétentes qui étaient disponibles. C’est ainsi qu’il a choisi Gérard Bachy pour l’installation, Roy Billinge pour le PS, Franco Bonaudi pour les halls d’expérimentation, Giorgio Brianti comme chef des accélérateurs, Bas de Raad pour le SPS, Andrew Hutton pour les paramètres de la machine, Henri Laporte pour le génie civil, Günther Plass comme adjoint, Hans Peter Reinhard pour le vide, Lorenzo Resegotti pour les aimants et Wolfgang Schnell pour la radiofréquence. Herwig Schopper se joignait régulièrement à eux, mais se contentait le plus souvent d’observer ses collègues. « J’étais comme un chef d’orchestre, raconte Emilio Picasso. C’était une bonne équipe. Nous nous connaissions tous bien et nous nous respections tous. »

En 1987, il fut demandé à Emilio Picasso d’organiser un événement à l’occasion de la visite au CERN de Jacques Chirac, alors premier ministre de la France, et de Pierre Aubert, président de la Confédération suisse. Une partie du tunnel étant prête pour l’installation, il proposa de placer le premier aimant du LEP. Naturellement, Jacques Chirac demanda quand on allait pouvoir utiliser la machine. En fait, aucune date n’avait encore été arrêtée pour la mise en service. Emilio Picasso prit donc le parti d’improviser: « Elle sera prête le 14 juillet 1989, pour des deux cents ans de la prise de la Bastille. » Jacques Chirac répondit : « Très bien ! » Les collègues de Picasso étaient moins enthousiastes : Était-il devenu fou ? Comment allaient-ils être prêts à temps ? En juillet 1988, l’installation du premier secteur était toutefois achevée et un essai avec faisceau mené par l’équipe d’exploitation du LEP sous la conduite de Steve Myers prouva que la conception était bonne. Une année plus tard, la prédiction d'Emilio Picasso se confirmait : un premier faisceau fit le tour de l’anneau le 14 juillet 1989 à 23 heures.

Lors des premières collisions, un mois plus tard, l’excitation était à son comble. «Pendant dix bonnes minutes, Steve Myers et moi ne savions même pas si les faisceaux entraient en collision, se rappelle Picasso. Puis, tout à coup, Aldo Michelini, le porte-parole d’OPAL, s’est écrié: Nous avons le premier Z0! Un grand moment! Steve avait fait un travail remarquable. Et moi, je me suis dit: C’est bon, j’ai fait mon boulot ».

Le saviez-vous?


Les expériences menées au LEP

L’accélérateur LEP comptait quatre points d’interaction et quatre détecteurs : ALEPH, DELPHI, L3 et OPAL. La première collaboration à enregistrer des collisions fut OPAL, suivie d’ALEPH et de L3. La collaboration DELPHI détecta ses premières collisions un jour plus tard : par la faute du mauvais réglage d’un aimant dans l’accélérateur, les particules ne pouvaient pas entrer en collision à ce point d’interaction.