1912 – 2012, un siècle d’étude des rayons cosmiques

Il y a un an, le Spectromètre magnétique alpha (AMS-02) est arrimé sur la Station spatiale internationale. Dédié à l’étude des rayons cosmiques, cet outil à la pointe de la technologie révolutionne les techniques de détection de ce rayonnement cosmique, à peine un siècle après sa découverte.

 

Victor Francis Hess (dans la nacelle), de retour de son vol en ballon en août 1912. Source : American physical society.

Il y a tout juste 100 ans, le physicien austro-américain Victor Francis Hess découvre les rayons cosmiques. C’est à bord d’un ballon que le chercheur observe le phénomène : entre 1000 et 5000 mètres d’altitude, les fils de son électromètre Wulf – outil permettant de mesurer l’ionisation – indiquent une augmentation de charge électrique. Hess vient de mettre en évidence l’existence d’un rayonnement ionisant d’origine cosmique. Une vingtaine d’années après, grâce à l’invention du compteur Geiger-Müller, les physiciens parviennent à en étudier les propriétés de manière plus précise.

Un siècle plus tard, les rayons cosmiques suscitent toujours autant d’intérêt, et surtout, la question de leur origine, qui, aujourd’hui encore, reste sans réponse satisfaisante. Seules les techniques de détection ont changé. En effet, aujourd’hui, grâce au Spectromètre magnétique alpha (AMS-02) – le détecteur de matière noire et d’antimatière assemblé au CERN - c’est aussi depuis l’espace que ce rayonnement est étudié. Installé sur la Station spatiale internationale (ISS) en 2011 par les membres de la mission spatiale STS-134 (plus d'informations sur la visite des astronautes dans le Mot du DG de ce numéro), AMS-02 a déjà enregistré environ 18 milliards d’événements provenant de l’interaction du rayonnement cosmique avec les nombreux capteurs de l’expérience. Pour la première fois, des électrons d’énergie supérieure à 1 TeV, et des positrons d’énergie supérieure à 200 GeV ont été enregistrés avant leur entrée dans l’atmosphère.

Depuis l’ISS, AMS-02 poursuit son ambitieux programme scientifique : en récoltant de précieuses données pendant plusieurs années, les chercheurs pourront étudier le spectre des rayons cosmiques avec une sensibilité sans précédent. Ils espèrent également comprendre ce qu’il est advenu de l’antimatière primordiale, et de quoi est constituée la masse invisible de l'Univers.

Augmentation de l'ionisation avec l'altitude telle que mesurée par Victor Francis Hess avec deux électroscopes le 7 août 1912. Source: P. Carlson, A. De Angelis, Eur. Phys. J. H 35, 309 (2011). Image d'un électroscope traditionnel utilisé à la même époque que Victor Francis Hess. Quand l'appareil est chargé, les feuilles d'or dans la chambre s'écartent. L'ionisation du gaz présent à l'intérieur de l'électroscope décharge l'appareil : les feuilles se rapprochent l'une de l'autre. La fréquence de rapprochement des feuilles est liée à la quantité d'ionisation.

 

Les rayons cosmiques, une passion partagée

Dans le monde, de nombreuses expériences étudient les phénomènes liés aux rayons cosmiques. Certaines sont menées dans des laboratoires souterrains (qui permettent de filtrer naturellement certains types de particules cosmiques afin de cibler les recherches), d’autres au sol, dans des observatoires où des télescopes de très grande envergure détectent notamment les rayons gamma ou cosmiques de très haute énergie et les neutrinos – le télescope HESS-II, le plus grand télescope gamma construit à ce jour, vient d’ailleurs d’être mis en service. Il est équipé d’un miroir de 28 mètres de diamètre ! Enfin, il existe des observatoires satellites, également dédiés à la détection de ces particules.

Au CERN, plusieurs expériences étudient le rayonnement cosmique. En première ligne, le détecteur LHCf (Large Hadron Collider forward), qui tire profit des particules à petits angles créées dans le LHC pour simuler des rayons cosmiques « en laboratoire ». ALICE, une des quatre grandes expériences LHC du CERN – qui est principalement dédiée à l’étude d’un nouvel état de la matière – se consacre en partie à la détection de muons produits par les interactions des rayons cosmiques avec l’atmosphère. L’expérience CLOUD (Cosmics Leaving Outdoor Droplets) explore le lien possible entre formation des nuages et rayonnement cosmique grâce à une chambre à brouillard.

Citons également ASPERA (AStroParticle European Research Area), un réseau d’organismes de financement européens pour la physique des astroparticules, dont le CERN est partenaire, qui soutient plusieurs projets consacrés à l’étude des rayons cosmiques à l’échelle européenne.

 

À deux pas du CERN, un laboratoire pour l’étude des rayons cosmiques

En 1943, le Centre national de la recherche scientifique français (CNRS) crée le laboratoire de haute altitude Les Cosmiques. Situé à plus de 3 600 mètres d’altitude, au Col du Midi (Mont Blanc), ce dernier est dédié à l’étude des rayons cosmiques et de leurs applications en physique nucléaire. Il restera en service jusqu'en 1955.

Le 23 juillet dernier, à l’occasion des 100 ans de la découverte des rayons cosmiques, les astronautes de la mission STS-134 ont déposé une plaque commémorative émise par la Société européenne de physique (EPS) au laboratoire Les Cosmiques, l’élevant ainsi au rang de site historique.


Envie d’en savoir plus ? Ne manquez pas le numéro spécial du CERN Courier (Volume 52, numéro 6, juillet-août 2012) sur le 100e anniversaire de la découverte des rayons cosmiques.

par Anaïs Schaeffer