Expérience BASE : un aperçu sans précédent sur l'antimatière
Lors de sa réunion, la semaine dernière, la Commission de la recherche a approuvé l’installation au CERN de l’expérience BASE (expérience de symétrie baryon-antibaryon). Cette expérience explorera l'asymétrie matière-antimatière, son but étant de réaliser des mesures haute précision du moment magnétique de l'antiproton.
La collaboration BASE établira ses quartiers dans le hall AD en septembre prochain, avec son premier dispositif expérimental basé au CERN. Utilisant un dispositif innovant constitué d’un double piège de Penning, développé à l’Université de Mayence, à GSI Darmstadt et à l’Institut Max Plank de physique nucléaire, en Allemagne, l'équipe BASE procédera à des mesures du moment magnétique de l'antiproton avec une précision inégalée de l'ordre du milliardième.
« Nous avons construit le premier piège de Penning double sur le site de BASE en Allemagne, et avons réalisé les premières observations directes du renversement de spin d'un seul proton, explique Stefan Ulmer, de RIKEN (Japon), porte-parole de la collaboration BASE. Nous avons aussi récemment fait la démonstration de la première application de la technique du double piège de Penning sur un seul proton. Comme cela a réussi, nous sommes maintenant prêts à utiliser cette technique pour mesurer le moment magnétique du proton avec une extrême précision et à appliquer cette technique à l'antiproton. »
Comment fonctionne donc ce nouveau piège ? Tout d’abord, regardons comment on peut connaître le moment magnétique de l’antiproton. Pour réaliser une mesure directe du moment, on fait appel à deux paramètres différents : la fréquence Larmor, qui caractérise la précession du spin d’une particule, et la fréquence cyclotron, qui décrit le comportement d’une particule chargée soumise à un champ magnétique.
Pour faire fonctionner un piège de Penning, on doit donc disposer d'un aimant produisant un champ magnétique intense et homogène. « On observe les renversements de spin en mettant en relation le moment magnétique de la particule avec la fréquence axiale mesurable, grâce à une inhomogénéité magnétique, explique Stefan. Comme le moment magnétique de l’antiproton est très petit, on a besoin d’une inhomogénéité de l'ordre de 300 000 T/m2. Toutefois, l’intensité du champ réduit la précision des mesures de fréquence. »
La solution ? Sérier les problèmes. Le double piège de Penning de BASE sépare les mesures de fréquence Larmor et de fréquence cyclotron de l’analyse de l’état du spin. Pour faire les mesures, on utilise deux pièges : le piège d’analyse, qui permet de déterminer le spin de la particule, et le piège de précision, qui provoque un renversement du spin de la particule tout en mesurant la fréquence cyclotron. Comparé au piège d’analyse, le piège de précision a un champ magnétique extrêmement homogène (100 000 fois plus homogène en fait). La séparation améliore énormément la précision des mesures de fréquence et accroît ainsi la précision avec laquelle on connaît le moment magnétique.
Outre ces deux pièges, le dispositif expérimental aura en fait deux pièges supplémentaires. Le piège de contrôle traquera d’éventuelles variations dans le champ magnétique causées par des sources extérieures, ce qui permettra à l’équipe BASE de réaliser des ajustements en temps réels des pièges principaux pendant la réalisation des mesures.
Le dernier piège est le piège réservoir. Comme son nom l’indique, il permet de stocker des antiprotons pendant des mois, ce qui permettra à la collaboration BASE de continuer ses travaux même sans faisceau. « Comme BASE est une expérience extrêmement sensible, elle pourrait être affectée par des fluctuations de champ magnétique provenant de l’AD, explique Stefan. Dans ce cas, le piège réservoir nous permettra de travailler alors que l’accélérateur ne fonctionne pas. »
En septembre, l’équipe BASE commencera à installer l'expérience dans le hall AD. En novembre, l’équipe prévoit de réaliser de nouvelles mesures du moment magnétique du proton en utilisant une source déconnectée. « C’est une perspective formidable, non seulement pour notre collaboration, mais aussi pour la physique de l’antimatière, conclut Stefan. Plus nos mesures des propriétés de l'antimatière seront précises, mieux nous pourrons comprendre la matière en général. »
Schéma du nouveau dispositif expérimental de la collaboration BASE,
qui sera installé dans le hall AD en septembre.
par Katarina Anthony