Le Linac 4 appuie sur l'accélérateur

La mise en service du nouvel accélérateur linéaire du CERN a commencé le mois dernier. Le Linac 4, l’accélérateur linéaire qui remplacera le Linac 2, pourra réaliser l’exploit de porter à 160 MeV un faisceau d’ions hydrogène négatifs. Nous avons rencontré l’équipe du Linac 4 pour en apprendre plus sur les préparatifs en cours sur la machine, qui deviendra le premier maillon de la chaîne d’accélérateurs du CERN.

 

La ligne de faisceau à 3 MeV du Linac 4, avec la source d'ions au fond, le RFQ au milieu, et la ligne de hachage au premier plan.

Le 14 novembre, des membres de la collaboration Linac 4 et du groupe Opérations du CERN se sont réunis dans la salle de contrôle de Linac 4 pour le premier « fonctionnement réel » de la machine. Ensemble, ils ont réussi à accélérer à 3 MeV le premier faisceau d’ions hydrogène. Un grand moment pour toutes les personnes concernées, marquant le début de l’une des phases les plus critiques de la mise en service du nouvel accélérateur.

Au début de la ligne de faisceau du Linac 4 se trouve le quadripôle à radiofréquence (RFQ) construit au CERN. Cette pièce essentielle de l’accélérateur porte le faisceau de 45 keV à 3 MeV en trois mètres seulement et joue un rôle-clé dans la chaîne d’accélérateurs du CERN. « La qualité du faisceau se joue dans les premiers mètres de la machine, explique Alessandra Lombardi, qui dirige la mise en service du Linac 4. Le RFQ doit non seulement réaliser la première phase d’accélération, mais aussi préparer le faisceau pour une accélération plus en aval. C’est ici que nous définissons les caractéristiques du faisceau et déterminons son émittance et son intensité. Au-delà de ce point, ces caractéristiques ne peuvent être que dégradées. »

Ainsi, bien qu’on ne soit qu’au début de la phase de mise en service, qui durera trois ans, c’est un moment important pour assurer la qualité du faisceau dans son ensemble. « C’est aussi à cette énergie que nous découpons le faisceau, en ôtant des micro-paquets, pour le préparer à être injecté dans le Booster du PS, explique Carlo Rossi, coordinateur du projet RFQ. Ainsi, nous supprimons dès que possible la partie du faisceau qui sera perdue immanquablement au moment de l’injection. C’est un processus délicat car nous devons retirer les quelques micro-paquets sélectionnés sans nuire au reste du faisceau. Le réglage de cette ligne de hachage est essentiel pour la qualité générale du faisceau. »

Une fois la mise en service du faisceau à 3 MeV terminée, en février 2014, les autres structures accélératrices à radiofréquence (RF) seront installées en plusieurs étapes. L’équipe du Linac 4 utilise une ligne de mesure provisoire pour vérifier le faisceau à chaque étape. Si les résultats sont satisfaisants, la ligne de mesure peut être ôtée et l’élément suivant du RF peut être installé et testé. « Bien qu’elle soit complexe et prenne beaucoup de temps, ajoute Alessandra Lombardi, cette approche par étapes nous permet de vérifier les éléments de l’accélérateur au fur et à mesure de leur installation. »

Plus de la moitié de la structure du Linac 4 est déjà en place alors que l’installation a commencé il y a quelques mois à peine. Le RFQ et le MEBT (Medium Energy Beam Transport), qui abrite la ligne de hachage, sont déjà à leur place définitive, et la majorité des klystrons RF en surface ont déjà été installés. « Après avoir travaillé de nombreuses années avec plusieurs équipes (notamment EN-EL/CV et GS-ASE/SE) à la construction et à la préparation du hall du Linac 4, nous nous concentrons aujourd’hui uniquement sur l’installation et la mise en service de la machine elle-même, déclare Julie Coupard, responsable de l’installation du Linac 4. D’ici la fin de l’année prochaine, nous mettrons en service la machine avec une accélération à 100 MeV - elle pourra alors remplacer le Linac 2 si nécessaire - et d’ici 2016, nous atteindrons l’énergie nominale de 160 MeV. »

Fabriqué (et transporté) par le CERN

Le RFQ du Linac 4 a été le premier en son genre à être entièrement fabriqué et brasé au CERN, ce qui a constitué un avantage important pour toute l’équipe. En effet, la proximité du lieu de production a considérablement réduit les risques de dégâts au moment du transport et a permis un usinage et un alignement plus précis.

Il a quand même fallu déplacer le RFQ à l’intérieur du domaine du CERN ! « Transporter le RFQ depuis son banc d’essai jusqu’au hall du Linac 4 a été un véritable exploit, confie Carlo Rossi. Comme l’élément pèse 1,5 tonne et qu’il est réglé avec une précision de 100 micromètres, nous craignions de dégrader la qualité de l’accélérateur. » L’équipe de transport du CERN a utilisé un équipement spécial, notamment un camion équipé d'une suspension pneumatique, pour s’assurer que le RFQ arrive intact.

Pour en savoir plus sur les défis liés à la construction du RFQ et les tests pratiqués, lisez les précédents articles sur le Linac 4 parus dans le Bulletin du CERN (« 16 fils d’argent pour assembler 350 kg de cuivre », « Les tests commencent sur le Linac 4 »).

 

À chaque énergie sa cavité

Comme le Linac 4 accélère les particules en régime non relativiste, la vitesse du faisceau change à mesure que son énergie augmente. Même s’il s’agit d’un principe de physique (relativement) simple, l’équipe du Linac 4 doit néanmoins procéder à quelques ajustements complexes. « Lorsque l’énergie et la vitesse du faisceau augmentent, nous devons utiliser différents types de cavité RF tout au long de la ligne d’accélération, explique Alessandra Lombardi. Certaines cavités sont mieux adaptées que d’autres aux différentes énergies de faisceau. »

Outre le RFQ, l’accélérateur Linac 4 abrite trois types de structures RF : le linac à tubes de glissement (DTL), qui portera le faisceau à 50 MeV, un linac à tubes de glissement à cavités couplées (CCDTL), qui le portera à 100 MeV et, finalement, grâce à une structure en mode PI (PIMS), le faisceau atteindra 160 MeV.

 

par Katarina Anthony