Les géomètres font des étincelles

Il y a quelques semaines, nous vous présentions la technique du laser-scanner tridimensionnel, utilisée au CERN pour obtenir des images 3D des tunnels et des expériences du LHC (voir ici). Complémentaire à cette technique, la photogrammétrie fait également partie de l’arsenal des géomètres du CERN.

 

La roue d'ATLAS lors d'une campagne de mesures par photogrammétrie. Les points blancs (voir flèches rouges) dont la roue est constellée sont des cibles réfléchissantes de type « boutons ».

Employée dans de nombreux domaines d’application – topographie, architecture, géologie, archéologie… – la photogrammétrie est une technique de stéréoscopie permettant de restituer l’image d’un objet en 3D à partir d’images planes obtenues depuis différents angles de vue. Au CERN, les géomètres y recourent depuis plus de 15 ans pour obtenir des informations précises sur la forme, les dimensions, la déformation et la position des détecteurs des expériences du LHC et de leurs différents éléments.

En termes d’équipement, la photogrammétrie, telle qu’utilisée au CERN, est plutôt « légère », d’où sa grande portabilité. Sur le terrain, les géomètres n’ont en effet besoin que de cibles réfléchissantes, dont ils parsèment l’objet à mesurer, et d’un appareil-photo avec flash relié par wifi à un ordinateur portable qui traite les données. Cette portabilité permet de photographier l’objet sous tous les angles : depuis le sol, un échafaudage, une échelle, une nacelle… « Avec cette technique, nous pouvons nous permettre de faire des mesures de conformité sur des prototypes ou des pièces en cours de construction au CERN ou ailleurs dans le monde, souligne Antje Behrens, géomètre pour les expériences ALICE et CMS. Nous nous sommes par exemple rendus en Russie, pour contrôler la fabrication des pieds d’ATLAS, et au Japon, pour les bouchons de CMS. »

Mesures de photogrammétrie sur le Spectromètre magnétique alpha (AMS), aujourd'hui installé sur la Station spatiale internationale. Photo : Dirk Mergelkuhl.

Les cibles réfléchissantes utilisées sont de quatre types : les boutons, qui sont de simples « points » réfléchissants ; les bandes, qui sont adaptées aux surfaces planes ; les code-barres, qui permettent, en apparaissant sur plusieurs images, de positionner les photos les unes par rapport aux autres ; et enfin, la croix, qui, photographiée en premier, sert à replacer les images dans un système de coordonnées déterminé, qui est ensuite lui-même intégré dans le référentiel du CERN. Ainsi constellés, les détecteurs font des étincelles sous les flashes des géomètres.

Pour définir l’échelle des photographies – car il faut, pour se rendre compte des dimensions d’un objet, une référence identifiable – les géomètres recourent à deux méthodes : intégrer dans leurs photos une règle dont la longueur est connue ; ou mesurer la distance entre deux cibles à l’aide d’un laser de poursuite, cette dernière solution étant la plus précise. Et quant à la précision, justement, celle que peut atteindre la photogrammétrie est remarquable : par exemple, pour les mesures de déformation réalisées sur le bouchon du trajectographe de CMS, qui mesure 850 millimètres de diamètre, les données obtenues présentaient une marge d’erreur d’à peine 0,03 millimètre !


Pour plus d'informations sur le sujet, lisez l'article paru dans CMS Times (en anglais) : Surveyors measure new CSC layer with photogrammetry.

par Anaïs Schaeffer