La physique à 13 TeV : ATLAS - exploiter au mieux les nouvelles données du LHC

L’énergie de collision sans précédent de la deuxième période d’exploitation du LHC amènera les physiciens dans un monde encore inexploré, dans lequel de nouvelles particules devraient finalement déposer leur signature dans les puissants détecteurs. Cela pourrait prendre la forme d’une « impulsion transversale manquante », c’est-à-dire, d’une énergie qui n'est pas détectée directement mais peut être déduite par une mesure du déséquilibre des particules observées. Les physiciens pensent que cette « énergie manquante » observée pourrait être la signature de nombreux nouveaux processus de physique.

 

« À ATLAS, nous avons réalisé de nombreuses analyses, recherches et mesures s'appuyant sur la signature de l'impulsion transversale manquante, à partir des données de la première période d'exploitation. La reconstitution de l’impulsion transversale manquante dans ATLAS s’appuie sur un étalonnage des jets et des leptons, ainsi que d’autres dépôts d’énergie dans le calorimètre », explique David Charlton, porte-parole d’ATLAS.

Mais tous les nouveaux processus recherchés par ATLAS ne seront pas étudiés via une signature sous forme d’énergie manquante. C’est le cas du mécanisme de Brout-Englert-Higgs, qui rend compte de la différence de masse entre particules élémentaires et dont la manifestation la plus simple est le boson de Higgs du Modèle standard découvert par les expériences du LHC en 2012. « La supersymétrie et la théorie des cordes, qui s’efforcent d’expliquer des phénomènes au-delà du Modèle standard, tels que la matière noire et la gravité quantique, prévoient non pas un seul boson de Higgs, mais cinq ou plus, explique Bill Murray, Coordinateur pour la physique d’ATLAS. Nous rechercherons des signes de ces nouveaux bosons en utilisant les prédictions modifiées concernant le comportement du boson de Higgs du Modèle standard que nous avons trouvé. Récemment, ATLAS a montré que les propriétés mesurées du boson de Higgs tendent déjà fortement à indiquer que des bosons de Higgs supersymétriques doivent peser au moins trois fois plus que la particule découverte. Des mesures précises effectuées au cours de la deuxième période d’exploitation pourraient révéler leur existence. Le boson de Higgs pourrait également révéler la matière noire en se désintégrant en des particules de matière noire. Nous avons commencé ces recherches pendant la première période d’exploitation, mais, au cours de la période suivante, nous disposerons de moyens beaucoup plus précis pour étudier ces possibilités. »

Identifier l’impulsion transversale manquante devient de plus en plus difficile avec l’augmentation du nombre d’interactions d’empilement à chaque croisement de paquet. D’après le programme actuel, l’espacement entre les paquets, au cours de la deuxième période d’exploitation, sera de 25 nanosecondes, produisant un empilement qui ne sera pas beaucoup plus élevé que celui observé lors de la période d’exploitation initiale. Toutefois, des conditions d'expérimentation plus contraignantes, avec un espacement entre paquets de 50 ns et un plus grand nombre de protons dans les paquets, ne sont pas complètement exclues, et elles pourraient représenter une difficulté pour les détecteurs. « Les informations venant du calorimètre, associées à une très bonne trajectographie, nous permettront de réduire les effets de l’empilement, confirme Bill Murray. Cependant, une exploitation avec un espacement entre paquets de 50 ns serait effectivement un grand défi pour notre détecteur. »

Pendant le long arrêt du LHC, la collaboration ATLAS a travaillé sur l'amélioration du logiciel de déclenchement et de la performance du système, et lui a ajouté quelques nouveaux éléments matériels. Comme l’on souhaite conserver des seuils de déclenchement bas pendant la deuxième période d’exploitation, la tâche consistant à gérer toutes ces données sera un immense défi ; ce volume de données mettra à rude épreuve les disques et bandes auxquels a accès ATLAS par l’intermédiaire de la Grille de calcul mondiale du LHC. « Nous avons lancé un grand programme pour optimiser l’utilisation de nos ressources de calcul : réduire la taille des événements en éliminant et en condensant des informations, diminuer le nombre de copies d'événements à conserver, et améliorer la flexibilité des simulations et les vitesses de reconstitution. Cela n’a été possible que grâce au travail acharné d’un grand nombre de personnes. Toutefois, les résultats sont probants, et les buts de physique sont ambitieux : il s’agit de franchir de nouvelles étapes dans un territoire inexploré », conclut David Charlton.


Pour en savoir plus sur la physique à 13 TeV, lisez les autres articles de la série : « ALICE – gratter la surface », « CMS - explorer l'inconnu », « LHCb – une nouvelle stratégie pour le traitement de données » et « TOTEM - une nouvelle ère de collaboration avec CMS ». Pour un point de vue « théorique » sur la prochaine période d'exploitation, lisez l'article « La vie est belle à 13 TeV ».

par Antonella Del Rosso