Des innovateurs du CERN répondent à un besoin humanitaire

Lors de l’édition 2014 du « hackathon » organisé par l’association THE Port, l’équipe Better Body Bags avait réfléchi à de nouvelles caractéristiques techniques pour les sacs mortuaires, afin de répondre aux besoins des organisations humanitaires. Ce qui avait commencé comme un week-end de programmation s’est transformé en un projet de R& D à part entière quand l’équipe a mis en commun ses forces avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour lancer la production de ses sacs mortuaires.

 

Ricardo Páramo Peláez, le concepteur de produits de l'équipe, présente le premier prototype du sac mortuaire lors du « hackathon » 2014 de THE Port. Le « corps » est joué ici par son coéquipier, João Cordovil Bárcia.

Concrètement, un sac mortuaire est généralement un sac en plastique allongé, muni de poignées ; il peut se déchirer, avoir des fuites, laisser passer les odeurs, et il n’est pas bon marché. « L’utilisation de nouvelles technologies pour améliorer ces sacs n’avait pas été beaucoup étudiée, explique Tim Head, physicien de LHCb et chef de l’équipe Better Body Bags. Des améliorations simples sont susceptibles de maintenir les corps en meilleure condition, ce qui facilite le processus d’identification et aide les humanitaires dans leurs tâches difficiles. »

L’équipe Better Body Bags, qui s’est formée lors du « hackaton » de THE Port, réunit des personnes venues d’horizons divers, parmi lesquelles des membres du personnel du CERN, d’anciens collaborateurs du CERN et des personnes passionnées d’innovation venant d’entreprises ou d’organisations externes. Pendant le « hackathon », ils ont assisté à une présentation sur les difficultés rencontrées par les organisations humanitaires comme le CICR, et ils ont décidé de s’attaquer au « problème des sacs mortuaires ».

L’équipe a d’abord envisagé des moyens d’isoler thermiquement les corps, et s’est intéressée aux feuilles de mylar utilisées par l’expérience ATLAS. Inspirée par la capacité de cette feuille à faire écran autour des éléments du détecteur, l’équipe a cherché des feuilles semblables qui soient disponibles dans le commerce et puissent être utilisées pour les sacs mortuaires. « La solution nous est venue du monde des emballages alimentaires, explique Tim Head. Il y a eu énormément de recherches faites sur les sacs doublés d’aluminium, du type de ceux utilisés pour les chips. Ils sont conçus pour garder les odeurs et l’air à l’intérieur, sans aucune fuite. Et, cerise sur le gâteau, on peut s’en procurer facilement et à moindre coût. » Grâce à ces sacs doublés d’aluminium et d’autres technologies, notamment des absorbeurs d’humidité et des dispositifs de conditionnement sous vide, l’équipe a développé des prototypes de sacs mortuaires qui sont imperméables à l’air, ne fuient pas et sont inodores.

À mesure que son projet de sacs mortuaires avançait, l’équipe Better Body Bags a elle aussi dû évoluer. Ses membres ont créé une association suisse à but non lucratif, Social Solutions Research, ce qui leur a permis de travailler avec l’équipe du CICR chargée de l’innovation. En mai, ils ont présenté un prototype de leurs sacs mortuaires au comité consultatif sur les questions médico-légales du CICR, dont la réaction a été enthousiaste. Ces sacs ont également été présentés lors de la récente réunion du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) qui s’est tenue au Palais des Nations.

Steffen Raetzer (à gauche), membre de l'équipe Better Body Bags, décrit les nouvelles caractéristiques du sac lors de la réunion de l'ECOSOC au Palais des Nations.

Avec le soutien du CICR, l’équipe commencera bientôt à confectionner ses prototypes avec des fabricants externes, de sorte que les techniques développées puissent être appliquées à la production en série. « L’un des membres de notre équipe travaille dans le développement de produits, et son aide a été très précieuse pour faciliter la transition entre la production en laboratoire et la production en série, indique Tim Head. Grâce à cela, nous avons déjà trouvé une entreprise intéressée pour produire nos prototypes. »

La production en série se profilant à l’horizon, l’équipe Better Body Bags continue de perfectionner ses prototypes. La prochaine innovation, encore à l’étude, consistera à ajouter aux sacs mortuaires une étiquette d’identification par radiofréquence, comme celles utilisées pour les passeports ou les cartes d’accès. Ces étiquettes aideront à résoudre l’un des grands problèmes rencontrés par les organisations humanitaires : la localisation de corps dans les fosses communes. Quand un corps a (potentiellement) été identifié et doit être exhumé, les organisations doivent parfois sortir des dizaines de corps, une opération extrêmement coûteuse. « Nous souhaitons équiper chaque sac mortuaire d’une étiquette d’identification par radiofréquence qui puisse être lue depuis la surface, poursuit Tim Head. Ces étiquettes devront avoir une durée de vie de 10 à 20 ans et être capables de transmettre leur signal à travers plusieurs mètres de terre sans source d’énergie. Ces exigences sont difficiles à remplir, et nous prévoyons de passer le prochain “hackathon” de THE Port, le premier week-end d’octobre, à trouver une solution ! »

(Vidéo en anglais)

 

Rencontrez l’équipe Better Body Bags !

Le Bulletin souhaite vous inviter à rencontrer l’équipe Better Body Bags à IdeaSquare, le 24 juillet à 14 h. La visite est accessible uniquement aux détenteurs d'une carte d'accès CERN. L’inscription préalable sur Indico est obligatoire.

La visite, qui sera en anglais, durera environ 30 minutes et se déroulera de la façon suivante :

  • environ 15 minutes de présentation du design du sac mortuaire,
  • environ 10 minutes de « manipulation » des sacs,
  • questions-réponses avec l’équipe.
     


Le nombre de participants est limité à 20. Si ce nombre est dépassé, n'hésitez pas à vous inscrire malgré tout, nous pourrons ainsi vous contacter en cas de désistement ou d’organisation d’une nouvelle visite.

 

par Katarina Anthony