Le caractère exceptionnel de la recherche au CERN

Étant nouvellement arrivé au CERN, c’est pour moi à la fois un honneur et une leçon d’humilité d’avoir été choisi pour assumer pendant cinq ans le poste de directeur de la recherche.

 

Mon parcours professionnel m’a amené à Hambourg, Stanford, Heidelberg, puis Hambourg de nouveau, et, si c’est la première fois que je suis en poste au CERN, ce n'est pas la première fois que je participe aux travaux du Laboratoire. En effet, j’ai été membre de la collaboration OPAL à la fin des années 1980, et j’ai présidé le Comité des expériences LHC (LHCC) de 2011 à 2014. De plus, au cours des dix dernières années, j’ai eu des contacts avec de nombreux collègues au CERN, dans le cadre de programmes européens conjoints, en particulier lors de discussions sur les collisionneurs linéaires.

J’aimerais, dans mon premier message au personnel, vous donner mon point de vue sur ce qui fait le caractère exceptionnel de la recherche au CERN, et vous dire comment je souhaiterais voir le Laboratoire au terme de mon mandat, fin 2020. Je commencerai avant toute chose par mentionner les nombreux éminents experts qui travaillent au Laboratoire et les milliers d’utilisateurs qui ont recours à nos installations. Ce sont leurs idées qui impulsent l’ensemble des activités du CERN, et j’attache une grande valeur à leur contribution. S’agissant du programme scientifique, il va sans dire que le LHC est le fleuron du Laboratoire ; nous avons donc été heureux de voir, ces dernières semaines, la machine se remettre en route après sa pause hivernale. L’année 2016 s’annonce absolument passionnante au LHC. Tout d’abord, il s’agira de déterminer si l’anomalie intéressante observée à 750 GeV par les expériences ATLAS et CMS dans leurs données de 2015 traduit un véritable phénomène, ou si ce n’est qu’un mirage dû à une fluctuation statistique. Quelle que soit la conclusion, les deux expériences sont en train de rédiger minutieusement les résultats de leurs analyses faites en 2015 de ce phénomène, conformément à la démarche scientifique. Quoi qu’il arrive, les choses seront donc entièrement transparentes.

Anomalie ou pas, nous récolterons à partir des statistiques de 2016 une abondante moisson de données de physique à mesure que nous augmenterons la sensibilité aux domaines d’énergie et de masse. ATLAS et CMS ont tous deux fait équipe avec leurs voisins plus petits, qui contribuent ainsi au programme central du LHC en y amenant la physique des petits angles. Par ailleurs, dans la mesure où les quatre grandes expériences enregistrent des données avec des ions plomb, on peut dire que la physique des ions plomb est elle aussi devenue centrale.

Le programme du LHC proprement dit est riche et varié, mais le CERN ne se limite pas au LHC. De la zone Est à la zone Nord, de l’AD à ISOLDE et à n_TOF, le CERN participe à une large gamme de recherches de classe mondiale, et nos installations ne cessent de se développer de manière à répondre aux besoins en constante évolution de notre communauté de recherche. À cet effet, ELENA fournira bientôt aux expériences de l’AD des faisceaux d’antiprotons beaucoup plus intenses, et – sous réserve de la confirmation du financement – il sera possible dans un avenir proche de transférer l’Anneau de stockage d’essai (TSR) d’Heidelberg à l’installation HIE-ISOLDE, ce qui aura pour effet d’augmenter de plusieurs ordres de grandeur l’intensité des faisceaux de cette installation. La plateforme neutrino du CERN, établie en 2015, sert de point de contact aux physiciens européens pour participer aux programmes neutrino des États-Unis et du Japon, et constitue un cadre où seront étudiées et qualifiées les technologies nécessaires pour les détecteurs de grande masse dont ont besoin ces programmes. Autant de projets riches de promesses pour la future diversité scientifique du CERN. Néanmoins, du fait de l’ensemble d’installations très spécifiques dont nous disposons, nous pouvons toujours être ouverts à de nouvelles idées, et, à cet effet, nous organiserons à la fin de cet été une réunion sur les perspectives de diversification de nos recherches – on parle de « physique au-delà des collisionneurs ».

Mon titre complet est « directeur de la recherche et de l’informatique scientifique ». Je suis donc bien conscient que, en me focalisant sur le programme d’expérimentation, je n'aborde qu’une partie de mon mandat. C’est pourquoi la théorie et l’informatique seront au cœur de mes futurs messages. Pour l’instant, j’aimerais terminer en disant que c’est pour moi un réel plaisir de prendre mes fonctions dans un laboratoire dont les recherches sont aussi variées que passionnantes. J'ai hâte de découvrir les perspectives de physique que nous réserveront les années à venir, et, alors que le LHC continuera sans relâche à repousser les frontières d’énergie dans l’intérêt de la physique, il est temps de dessiner une vision à long terme de la physique des particules, qui pourra servir de cadre à l’élaboration d'une stratégie à la fin de mon mandat de cinq ans.

Eckhard Elsen, directeur de la recherche et de l’informatique​​​​