Une femme dans le monde de la physique
Mary K. Gaillard était au CERN la semaine dernière pour animer un séminaire et présenter son livre A singularly unfeminine profession.
Mary K. Gaillard a commencé sa carrière au CNRS, en France, dans les années 1960, à une époque où les femmes physiciennes dans les instituts de recherche se comptaient sur les doigts de la main. Elle est venue pour la première fois au CERN avec son mari, à la fin des années 1960, et a gardé le statut de visiteur scientifique pendant de nombreuses années, alors qu’elle travaillait encore pour le CNRS. En 1981, elle a rejoint la faculté de physique de l’Université de Californie à Berkeley (UCB), devenant la première femme à obtenir un poste de professeur permanent dans cette faculté.
Mary K. Gaillard a non seulement joué un rôle majeur dans le développement du Modèle standard de la physique des particules, grâce à sa prédiction de la masse du quark c et au célèbre article où apparaît l’expression « diagramme pingouin », mais elle a aussi été la première à réagir au déséquilibre hommes-femmes au CERN : en 1980, pour la Journée internationale de la femme, elle a publié un rapport intitulé « Report on Women in Scientific Careers at CERN » sur la manière dont les femmes poursuivant une carrière scientifique au CERN voyaient leur situation professionnelle. Ce rapport fut très utile pour le groupe de travail mis en place dans les années 90 pour étudier la situation des femmes au CERN. Sur les recommandations de ce groupe de travail, le CERN a établi son programme d’égalité des chances qui s’est développé, menant à la création de l'actuel Bureau de la diversité du CERN.
La boucle est désormais bouclée : le Bureau de la diversité, conjointement avec la bibliothèque du CERN et le département Théorie, a invité Mary K. Gaillard pour animer un séminaire Théorie concernant les effets de la physique quantique sur les théories de la supergravité et pour raconter le processus d’écriture de son livre et son périple dans le monde de la physique. « Son autobiographie, A Singularly Unfeminine Profession (une profession singulièrement peu féminine), est le récit honnête et personnel de ses nombreuses découvertes, faites alors même qu’elle devait se battre contre des préjugés sexistes et élever trois enfants », a expliqué Valerie Gibson, directrice du département de physique des hautes énergies et enseignante au Trinity College à Cambridge (Royaume-Uni), dans sa critique de l’ouvrage publiée dans la revue Nature. La physicienne a complété la présentation de Mary K. Gaillard en exposant sa propre expérience et son point de vue sur les difficultés auxquelles les physiciennes doivent faire face.
Les deux femmes s’accordent à dire que la situation s’est améliorée au CERN et dans le milieu universitaire en général, mais qu’il reste encore de nombreux progrès à faire, en particulier pour l’attribution de postes à responsabilité et de fonctions de direction. Depuis 1981, année où Mary K. Gaillard a commencé à travailler à Berkeley, le nombre de femmes membres de la faculté est passé de un à cinq. Pendant le même temps, le nombre de jeunes femmes doctorantes en physique a grimpé tout au long des années 1960 à 1980 pour atteindre 16 %, puis s’est stabilisé.
Les stéréotypes associés au genre sont omniprésents et, ainsi que l’explique Mary K. Gaillard, « il semble que le problème commence dès les premières années de vie des enfants ». Comme pour tout problème, la première étape pour y remédier consiste à reconnaître l’existence du problème, et la présentation de Mary K. Gaillard rappelle que, si des progrès ont été faits, il reste encore du pain sur la planche dans le monde de la physique des particules, comme dans de nombreux autres domaines de la société.
Le livre est disponible (en anglais) à la bibliothèque du CERN (bât. 52, 1er étage), au prêt ou à la vente, ou en ligne, sur le site internet de la maison d’édition (World Scientific), en accès gratuit pour tous les titulaires d’un compte CERN.
Pour regarder l’enregistrement de la présentation du livre, cliquez ici (en anglais).
Interview de la théoricienne Mary K. Gaillard à l'occasion de la publication de son autobiographie (en anglais). (Vidéo : CERN)
par Kristin Kaltenhauser and James Gillies