CMS: la grande descente commence

Jusqu'à il y a peu, la caverne d'expérimentation de CMS paraissait plutôt vide; le détecteur était assemblé entièrement en surface, pour être ensuite descendu section par section dans la caverne. Le 2 novembre, l'un des deux calorimètres hadroniques à petits angles a été le premier à effectuer la grande descente.


La première section du détecteur de CMS (au centre) amenée depuis le puits vertical, vue depuis le sol de la caverne.

La construction du détecteur de CMS a été pour le moins atypique. Au lieu d'être assemblé dans la caverne d'expérimentation comme tous les autres détecteurs du LHC, il a été construit en surface, de façon à ménager un accès plus facile et à réduire la dimension de l'excavation. Après un test de champ magnétique concluant en surface, il a fallu descendre le détecteur dans la caverne, section par section - opération qui demande un certain sang-froid...

Au petit matin du 2 novembre, la première section du détecteur de CMS a enfin commencé sa descente dans la caverne souterraine. La journée a été longue pour l'équipe de VSL, entreprise principale pour cette opération. Comme l'explique Hubert Gerwig, Chef de projet du CERN: «Le rendez-vous était donné à six heures ce matin et la descente devrait prendre 12 heures. Le premier élément à descendre est le calorimètre hadronique à petits angles (HF+). Le deuxième calorimètre hadronique à petits angles (HF-) sera descendu la semaine prochaine.» Chaque section mesure environ 7 m x 5 m x 4 m et pèse 240 tonnes.

Le détecteur de CMS peut être représenté comme un cake découpé en 15 tranches d'épaisseurs différentes. Les deux sections HF sont situées aux extrémités; les tranches intermédiaires seront descendues successivement selon leur position dans le cake, en commençant par la section HF+, au fond du hall, et en progressant en direction du puits d'accès.

Pendant la descente, chaque coin de la section est fixé à un faisceau de 55 câbles, relié à un piston entraîné par un grand dévidoir de câbles d'acier. Les machines de levage sont logées dans deux abris situés sur le toit du bâtiment principal, 24 mètres au-dessus de l'ouverture du puits. Quatre pistons travaillant de concert font descendre pas à pas chaque section de détecteur dans la caverne. Deux plaques de préhension, placées au-dessus et au-dessous de chaque piston, s'ouvrent et se ferment alternativement de façon à maintenir l'ensemble de câbles en position tout en soutenant le poids du détecteur. Pendant la descente, la plaque de préhension située au-dessus du piston agrippe les câbles et la plaque située au-dessous s'ouvre pour les laisser filer. Le bouchon s'abaisse verticalement dans le cylindre, faisant ainsi descendre la pièce suspendue dessous. Lorsqu'il est descendu de 50 cm et a atteint sa position la plus basse, la plaque de préhension située sous le piston se referme pour tenir la charge dans une position stationnaire. À ce moment-là, la plaque située au-dessus se desserre, et le bouchon remonte pour recommencer ce cycle. On compte 20 cycles dans une heure, ce qui correspond en pratique à une vitesse moyenne de descente de 9 mètres par heure. Un troisième abri situé sur le toit contient la salle de commande de l'opération de descente. Un opérateur y surveille en permanence sur un écran l'inclinaison de la charge pour veiller à une répartition égale des poids.

Le deuxième calorimètre HF a été descendu sans encombre dans la caverne le 9 novembre (voir photo de couverture). Après les deux sections HF, les deux sections des bouchons du détecteur seront placées dans la caverne, une fois obtenue l'autorisation de descendre des charges plus lourdes (plus de 300 t). L'équipe compte descendre une section par semaine après Noël; la section centrale YB0 (section zéro de la partie tonneau de la culasse), la plus grande et la plus lourde avec ses 1920 t, sera descendue à la mi-février 2007. Hubert Gerwig attend cette opération avec impatience: «Chaque fois qu'on descend une pièce, c'est un moment exceptionnel, un peu comme de se poser sur la Lune...».

Aimant de CMS: dernière montée avant la descente



Tandis que le premier morceau du détecteur de CMS descendait dans les profondeurs de l'expérience, l'aimant entamait sa dernière montée magnétique, concluant magistralement la campagne de tests. Un courant allant jusqu'à 19120 ampères était injecté pour la dernière fois dans la bobine supraconductrice (voir la capture d'écran de contrôle).

Durant ces trois mois de tests, un champ magnétique maximal de 4,13 teslas a été obtenu sur la périphérie interne de la bobine, permettant d'atteindre un champ de 4 teslas sur son axe. Ce champ a été maintenu pendant trois jours. «L'aimant a montré un comportement très stable, se félicite Domenico Campi au nom de tout le groupe Aimant et intégration de CMS. Tous les équipements auxiliaires, qui étaient les plus sensibles au champ de fuite, ont également prouvé leur grande stabilité.»

Durant cette campagne, une cartographie du champ a été dressée à différentes intensités magnétiques (2 teslas, 3,0 teslas, 3,5 teslas, 3,8 teslas et 4 teslas), avec une précision de 10-5. Une fois la cartographie effectuée, une transition résistive a été provoquée dans la bobine afin de faire passer la température de -269°C à -200°C (environ 70 K). L'aimant est maintenant progressivement réchauffé à température ambiante de manière à préparer sa descente dans la caverne expérimentale. Un courant de 300 ampères est injecté toutes les nuits pour générer de la chaleur à l'intérieur de la bobine. En début d'année prochaine, la bobine sera descendue avec la partie centrale du détecteur CMS.