Une main de fer dans un gant de velours

Tout comme dans un jeu de construction, les différentes parties du détecteur ATLAS ont été conçues pour pouvoir être déplacées, et ainsi, permettre l’accès aux sous-détecteurs situés à l’intérieur. Toutefois, contrairement aux briques d’un jeu, les pièces du géant de la physique pèsent jusqu’à 1000 tonnes et doivent être repositionnées avec une précision pouvant atteindre 300 microns.

 

Vue d'ensemble du calorimètre bouchon d'ATLAS. Cet élément, de 1000 tonnes pour un diamètre de 9 m, est la pièce la plus complexe à déplacer.

Certainement pas un jeu d’enfants : l’ouverture et la fermeture de l’expérience ATLAS prennent plusieurs semaines et nécessitent l’œil expert de l’équipe qui a développé le système : il s’agit de déplacer pas moins de 12 pièces pour un total de 3300 tonnes. « Chacune des pièces fait plusieurs mètres de diamètre, les plus imposantes - les grandes roues du détecteur à muons - atteignant 25 mètres, explique Michel Raymond, ingénieur responsable de l’équipe en charge de la fermeture et de l’ouverture de l’expérience ATLAS. Les sous-détecteurs sont équipés de coussins d’air qui glissent sur des rails situés à neuf mètres du sol (voir photo 2). Le tout est piloté par deux unités automatisées que nous avons perfectionnées tout au long de ces années d’exploitation. »

La fermeture post LS1 a commencé le 7 août dernier et se poursuivra jusqu’à fin septembre. Pour la première fois cette année, le repositionnement des sous-détecteurs atteindra une précision de 300 microns. « Pour obtenir un tel résultat, nous avons, pendant le LS1, installé des capteurs qui nous donnent des indications sur la position relative des différentes pièces, explique Frédéric Rosset, membre de l’équipe technique. Les détecteurs sont déplacés avec leurs ‘satellites’, tels que les câbles électriques, les chaînes flexibles avec les lignes cryogéniques et les fibres optiques. Pendant les manœuvres, nous avons une tolérance d’à peine trois millimètres. Nous bougeons des équipements très délicats, il nous faut donc avoir une main de fer dans un gant de velours ! »

Les disques oranges sont des patins à coussins d'air qui permettent de faire glisser le détecteur sur les rails.

Il faut environ une demi-journée pour déplacer une pièce et la repositionner à sa place d’origine avec la précision souhaitée. L’opération est toujours réalisée par l’équipe technique (environ 15 personnes) sous l’œil attentif des physiciens responsables du détecteur. « Pendant la manipulation, nous avons les yeux partout, souligne Cédric Sordé, lui aussi membre de l’équipe en charge des opérations d’ouverture et de fermeture d’ATLAS. Nos machines sont très performantes, mais rien ne remplace l’œil des experts, c’est pourquoi nous surveillons et vérifions tout pas à pas. »

Au fur et à mesure que les sous-détecteurs retrouvent leur place d’origine, emboîtés les uns dans les autres, les équipes techniques récupèrent de l’espace pour leurs manœuvres, tandis que les physiciens perdent peu à peu l’accès aux détecteurs. « Tous les travaux d’amélioration sur les sous-détecteurs prévus pendant le LS1 doivent être achevés avant que les éléments en question ne soient remis à leur place, indique Michel Raymond. Seules les chambres à muons, à l’extérieur du détecteur, restent accessibles pendant les opérations de fermeture, et après. »

Une fois la totalité du grand détecteur recomposée, les physiciens procéderont aux tests de fonctionnement sur tous les systèmes. Le géant sera alors prêt pour une nouvelle période d’exploitation, dès les premières collisions du LHC, en 2015.

par Antonella Del Rosso