Coup de fouet pour les faisceaux d’ISOLDE

Le premier cryomodule d’HIE-ISOLDE a été mis en service fin octobre. Les faisceaux d’ions radioactifs peuvent désormais être accélérés jusqu’à 4,3 MeV par nucléon. 

 

La ligne de faisceau d’ISOLDE qui alimente le dispositif Miniball. On distingue au second plan le premier cryomodule d’HIE-ISOLDE dans son cryostat gris clair.

ISOLDE fait le plein d’énergie. Le premier cryomodule du nouvel accélérateur linéaire supraconducteur HIE-ISOLDE (ISOLDE à haute énergie et haute intensité), placé à la sortie de l’accélérateur REX-ISOLDE, porte l’énergie des faisceaux d’ions radioactifs de 3 à 4,3 MeV par nucléon. Il alimente le dispositif expérimental Miniball, où une expérience avec des ions radioactifs de zinc (voir encadré) a déjà démarré fin octobre.

C’est la première étape de la mise en service d’HIE-ISOLDE. À terme, l’installation comprendra quatre cryomodules pour accélérer les faisceaux jusqu’à 10 MeV par nucléon. Chaque cryomodule comprend cinq cavités accélératrices et un solénoïde qui focalise le faisceau, tous supraconducteurs.

Ce premier faisceau est l’aboutissement de huit années de développement et de fabrication. L’une des grandes difficultés réside dans la fabrication des cavités. Les cavités d’HIE-ISOLDE sont formées de cuivre recouvert d’une fine couche de niobium, matériau supraconducteur. Cette technologie utilisée pour le LEP, puis pour le LHC, a dû être adaptée à la géométrie plus complexe d’une cavité de type quart d’onde. « Aujourd’hui, la filière de fabrication de ce type de cavité supraconductrice est entièrement opérationnelle au CERN », indique Walter Venturini Delsolaro, chef de projet adjoint (BE/RF). À ce jour, 10 cavités ont été  qualifiées pour être installées dans l’accélérateur. 

Dans la nouvelle salle propre de SM18, assemblage du premier cryomodule d’HIE-ISOLDE avec ses cinq cavités en cuivre et niobium.

L’assemblage du cryomodule a également représenté un défi. Contrairement aux cryomodules du LHC, par exemple, où les surfaces internes des cavités sont isolées des autres composants, tous les éléments du cryomodule HIE-ISOLDE sont placés dans le même vide. Le cryomodule est ainsi plus compact - une nécessité car, dans le bâtiment qui abrite ISOLDE, la place est limitée. « Chaque cryomodule compte environ 10 000 composants, indique Yacine Kadi, chef de projet (EN/HDO), et aucun de ces composants, même la plus petite vis, ne doit perturber la propreté de l’ensemble. » Les matériaux des composants ont été spécialement choisis pour être parfaitement nettoyables et pour ne pas dégrader le vide lors du fonctionnement. Une salle propre de classe ISO5 a été spécialement construite pour assembler les cryomodules.

Un système innovant d’alignement des composants dans le cryomodule avec un laser a été développé par l’équipe des géomètres. « Ce système nous permet d’observer à distance la position des éléments et, si nécessaire, de la régler sans ouvrir le cryomodule », indique Walter Venturini Delsolaro.

Après une phase délicate d’assemblage en salle propre, le premier cryomodule a été transporté dans le hall d’ISOLDE (le 2 mai) et couplé à l’accélérateur existant REX-ISOLDE. La mise en service du matériel a démarré durant l’été, suivie des premiers essais avec faisceau stable en septembre, jusqu’à ce jour du 22 octobre, où un premier faisceau radioactif a pu être accéléré. HIE-ISOLDE fonctionnera en tout cinq semaines cette année. Pendant l’arrêt technique d’ISOLDE, entre décembre 2015 et avril 2016, un autre cryomodule sera couplé au premier, portant l’énergie à 5,5 MeV par nucléon. Deux autres cryomodules seront fabriqués à partir de mi-2016 afin de porter l’énergie à 10 MeV par nucléon pour les noyaux les plus lourds disponibles à ISOLDE.
 

Énergies plus élevées à ISOLDE : nouvelles perspectives
pour les expériences de physique​

Un noyau est un système quantique à n corps, avec un nombre donné de neutrons et de protons. Son comportement, influencé par chacun des nucléons ainsi que par l’ensemble des protons et des neutrons, met en lumière la force forte en jeu dans le milieu nucléaire.

Jusqu’à présent, l’énergie des faisceaux à ISOLDE permettait juste d’étudier les propriétés collectives des noyaux. Grâce aux énergies plus élevées d’HIE-ISOLDE, il sera possible d’étudier le comportement d’une particule dans un noyau et les interactions entre les propriétés collectives et individuelles. Les énergies plus élevées permettront des réactions de transfert de nucléons dans tous les noyaux radioactifs produits à ISOLDE, même les plus lourds.

Trente expériences et plus de 600 créneaux de temps de faisceau ont déjà été approuvés. Les études porteront sur différents thèmes, la symétrie d’isospin, les propriétés collectives, par opposition aux propriétés individuelles, des particules, les formes et la coexistence de formes. La première de ces expériences est déjà en cours.

 

par Corinne Pralavorio