Amélioration du LHC : un premier cap est franchi

Le LHC est à ce jour l’accélérateur le plus puissant du monde. Ses performances techniques lui ont déjà permis d’établir des records mondiaux. Cela dit, la science lourde se projette très loin dans l’avenir, et l’on se prépare déjà au perfectionnement des aimants du LHC, qui devrait permettre de décupler les fréquences des collisions d’ici à la fin de la prochaine décennie. La nouvelle technologie utilisée pour les aimants repose sur un matériau supraconducteur évolué qui vient juste de commencer à montrer son potentiel.

 

Le premier modèle de coque de quadripôle long (LQS01) en cours d’assemblage au Laboratoire Fermi.

La première étape importante pour permettre à la nouvelle technologie d’être utilisée dans le LHC a été atteinte début décembre lorsque la collaboration LARP (LHC Accelerator Research Program) – un groupement de laboratoires américains fondé en 2003 par le ministère de l’énergie des États-Unis (DOE) et comprenant le Laboratoire national de Brookhaven, le Laboratoire Fermi, le Laboratoire national Lawrence de Berkeley et le Laboratoire national de l’accélérateur SLAC – a testé avec succès le premier long aimant de focalisation utilisant du niobium-étain (Nb3Sn).

« Le niobium-étain peut être supraconducteur en présence d’un champ magnétique plus de deux fois supérieur à celui toléré par le niobium-titane, le matériau que nous utilisons actuellement dans les aimants du LHC, explique Lucio Rossi, chef du groupe Aimants, supraconducteurs et cryostats du Département TE du CERN. Ce n’est qu’une première étape vers une nouvelle génération d'aimants pour collisionneurs de haute énergie, mais je suis convaincu que tous les efforts déployés par le ministère de l’énergie des États-Unis pour soutenir la R&D dans ce domaine, avec la mise en place dès 1998 d'un programme de R&D à long terme sur des câbles supraconducteurs en niobium-étain, seront bientôt récompensés. »

La collaboration entre le CERN et le LARP a débuté en 2005 lorsqu’il a été convenu de commencer à évaluer le potentiel du niobium-étain. L’objectif était alors d’atteindre, avant la fin 2009, un gradient, ou taux d’augmentation de l’intensité du champ, de 200 teslas par mètre (200 T/m) dans un aimant quadripolaire supraconducteur de quatre mètres de longueur et présentant un diamètre d’alésage de 90 millimètres pour le tube de faisceau. Cet objectif a été atteint par le LARP le 4 décembre. Les bobines supraconductrices de l’aimant modèle se sont bien comportées, de même que la structure mécanique qui protège les bobines contre les forces élevées produites par les forts champs magnétiques et courants électriques. La capacité de résistance du prototype aux transitions résistives («quench »), qui entraînent une perte soudaine de supraconductivité et donc un réchauffement, s’est également avérée excellente.

La luminosité nominale du LHC représente déjà un grand défi tant pour la machine que pour les expériences. Les aimants situés près des points de collision et des parties internes des détecteurs doivent pouvoir résister à de forts rayonnements et à des températures extrêmement élevées. Le CERN procède déjà à une première amélioration des aimants quadripolaires du LHC situés près des points de collision (les « triplets internes »). Cette première phase, axée sur la technologie du niobium, vise à augmenter la luminosité du LHC d’un facteur 2 à 3 au-dessus de la valeur nominale de 1034, probablement la limite pour cette technologie. Grâce à ce nouveau modèle d’aimant, reposant sur un supraconducteur en niobium-étain, une luminosité de 5 à 10 fois la luminosité nominale pourrait être atteinte, ce qui multiplierait le nombre de collisions à chaque croisement de paquets et rendrait plus complexe le traitement des résultats des interactions. « Les expériences ATLAS et CMS devront améliorer leurs détecteurs afin de relever le défi que cela représente, confirme Sergio Bertolucci, directeur de la recherche et de l’informatique. Par ailleurs, l’augmentation de la luminosité intégrée permettra aux expériences d’accroître leur potentiel en vue de découvrir de nouveaux phénomènes. Actuellement, nous réfléchissons au meilleur moyen d’optimiser la luminosité intégrée, tout en réduisant l’effet du bruit de fond associé. »

L’essai réussi de l’aimant prototype était une étape importante, mais plusieurs autres étapes sont nécessaires pour que la nouvelle technologie puisse être utilisée dans le LHC. Prochaine étape : élargir encore l'ouverture du quadripôle, ce qui entraînera une augmentation de la valeur maximale de l’intensité du champ. Cette opération sera réalisée d’abord sur un modèle de quadripôle court, puis sur un modèle long afin d’explorer les limites de la technologie. 

par CERN Bulletin