Vers une nouvelle approche sur le droit du travail applicable au personnel d’entreprise
Le CERN et ses deux Etats hôtes ont signé le lundi 18 octobre des accords sur le droit du travail applicable au personnel des entreprises intervenant sur le site du CERN. Une fois en vigueur, ils faciliteront la vie des entreprises et du CERN dans l’exécution des contrats de services. Ils offriront une meilleure sécurité et plus de stabilité au personnel concerné.
Le 18 octobre, le CERN et ses Etats hôtes ont signé un accord tripartite sur le droit du travail applicable au personnel des entreprises prestataires de services. La conclusion de cet accord a nécessité la signature préalable, le même jour, d’un accord bilatéral entre la France et la Suisse, qui amende l’accord datant de 1965 sur l’extension du CERN en France. Ces accords ont pour but de faciliter l’application du droit du travail par les entreprises lorsqu’elles interviennent à la fois sur les parties française et suisse des sites du CERN, ce qui est fréquemment le cas. Ils devraient également rendre plus prévisibles et plus stables les conditions de travail du personnel concerné. Sachant que le CERN compte une centaine de contrats de prestations de services, ce changement est important.
C’est aussi la première fois que le CERN et ses deux Etats hôtes vont signer un accord international à trois. « Cette signature d’un accord tripartite est le fruit d’une collaboration exemplaire entre le CERN et ses deux Etats hôtes», se réjouit Friedemann Eder, Délégué aux relations avec les Etats hôtes.
Conformément au principe de territorialité retenu en 1965 lors de l’extension du CERN en France, les entreprises et leur personnel intervenant sur le domaine de l’Organisation sont soumis à la législation du territoire sur lequel le travail est effectué. Le principe de territorialité implique en effet que, lorsqu’une entreprise intervient sur la partie française du domaine du CERN, elle est soumise au droit français, et lorsqu’elle intervient sur la partie suisse, elle est soumise au droit suisse. Ce principe complique la gestion des contrats par les entreprises, particulièrement sur le site de Meyrin qui est situé à la fois sur territoire suisse et français.
Les difficultés sont les plus sensibles dans le domaine du droit du travail. Imaginons un employé d’une entreprise contractante qui repeint un mur du Restaurant 2 et qui traverse la route pour rafraîchir une porte du Centre de Calcul. En traversant la route, l’employé passe d’une législation du travail à une autre avec des heures de travail, des droits à congés ou encore des jours fériés différents. Un vrai casse-tête pour l’employeur et pour les inspections du travail. C’est aussi une source d’insécurité et d’instabilité pour l’employé, qui ne peut prévoir d’une manière certaine ses conditions de travail.
Depuis 2004, un groupe composé de représentants des deux Etats hôtes et du CERN planche sur ce dossier.
Pour remédier aux difficultés d’application concomitante de deux droits, les accords prévoient que, désormais, un seul droit régira certaines conditions de travail du personnel des entreprises intervenant sur l’ensemble du domaine.
« C’est la localisation, sur un territoire ou l’autre, de la part prépondérante du travail à effectuer dans le cadre d’un contrat qui déterminera le droit du travail applicable au personnel de l’entreprise contractante », expliquent Jean-Michel Favre et Angela Goehring-Crinon du Service juridique du CERN, qui ont participé à l’élaboration des accords. En clair, si le CERN prévoit qu’une entreprise doit effectuer 60% de ses prestations sur la partie suisse du domaine et 40% sur la partie française, c’est le droit du travail suisse qui s’appliquera au personnel du contractant. « Il n’y aura donc plus d’ambiguïté, souligne Cristina Lara, responsable des contrats de services industriels au Département des finances. L’entreprise saura dès le début à quelle législation du travail seront soumis ses employés pour toute la durée du contrat. » Les accords stipulent de surcroît que l’entreprise a un devoir d’information de ses employés et de ses éventuelles entreprises sous-traitantes.
Cette nouvelle règle, qui semble d’une grande simplicité, constitue une petite révolution juridique. Les Etats hôtes ont en effet accepté de renoncer, dans ce cadre particulier, à l’application du principe de territorialité qui constitue la norme. De ce fait, le texte a nécessité de nombreuses discussions et validations, y compris par la Commission européenne.
Et le parcours du combattant n’est pas fini. Les accords devront être ratifiés par les Parlements des deux pays hôtes avant de pouvoir entrer en vigueur, ce qui devrait prendre encore une année. D’ici là, les entreprises contractantes restent soumises au principe de la territorialité.