À Berne, la physique des hautes énergies partage des faisceaux de protons avec l’hôpital

Une collaboration regroupant des institutions publiques et des entreprises privées construit une nouvelle installation sur le campus de l’Inselspital, l’hôpital universitaire de Berne. Cette installation accueillera un cyclotron destiné à la production de produits radiopharmaceutiques pour la tomographie par émission de positons (TEP) et pour des laboratoires de recherche pluridisciplinaire travaillant à la mise au point de nouveaux produits d’imagerie médicale. Le Laboratoire de physique des hautes énergies (LHEP) de l’Université de Berne, qui participe activement à ce projet, aura accès à une ligne de faisceau réservée et à des laboratoires spécialisés.

 

 
Construction du nouveau bâtiment à l'hôpital universitaire de Berne, où le cyclotron sera installé.
 

Le premier colloque du cyclotron de Berne aura lieu les 6 et 7 juin 2011. Cet événement, organisé par le LHEP en collaboration avec l’Inselspital de Berne, réunira des experts (parmi lesquels plusieurs spécialistes du CERN) afin de promouvoir les activités de recherche au nouveau laboratoire du cyclotron de Berne. « Le cyclotron sera installé dans un nouveau bâtiment, actuellement en construction sur le campus de l’hôpital. Sa fonction principale sera de produire des marqueurs radioactifs utilisables en imagerie TEP, explique Saverio Braccini, chercheur expérimenté au LHEP et président du colloque. Grâce à la collaboration entre l’université et l’hôpital, le bâtiment a été conçu pour accueillir une ligne de faisceau externe, indépendante de la première et pleinement exploitable pour la recherche ».

Le rôle des marqueurs radioactifs est crucial pour la technologie TEP (voir encadré) et les nombreuses recherches menées ces dernières années ont permis de trouver le radionucléide les plus efficace et le mieux adapté. Dès le début, les physiciens se sont placés à la pointe de la recherche dans ce domaine. L’une des principales contraintes pour un usage clinique des radionucléides concerne leur durée de vie, qui doit être relativement courte afin de limiter les effets négatifs de la radioactivité sur l'organisme. Cela suppose de produire les isotopes à proximité de l’installation d’imagerie. « À l’heure actuelle, le radionucléide le plus fréquemment utilisé est le fluor 18, dont la durée de vie est inférieure à deux heures. Avec le nouveau cyclotron, nous serons en mesure de produire du fluor sur place, mais ce n’est pas tout ! Grâce à la ligne de faisceau externe, nous pourrons également tester d'autres isotopes susceptibles d’être utilisés pour le diagnostic et la thérapie », indique le Dr Konrade Von Bremen, directrice de SWAN Isotopen, l’entreprise créée par l’Inselspital et l’Université de Berne en 2007 pour mener à bien ce projet.

 
L'équipe du SWAN : K. von Bermen (CEO), S. Braccini (physicien au LHEP), C. Schweinsberg (Radiopharmacien) and C. Dumas (Radiopharmacien)
 

L’agencement du nouveau bâtiment témoigne de la réussite de la collaboration entre les différentes institutions participantes. « Le cyclotron et la ligne de faisceau sont construits par l’entreprise belge IBA et seront installés dans le sous-sol du bâtiment, où les physiciens du LHEP et d’autres instituts conduiront leurs recherches dans un laboratoire prévu à cet effet. Au premier étage se situeront les laboratoires de radiochimie et de radiopharmacie, où les isotopes seront synthétisés chimiquement pour former les marqueurs radioactifs qui seront ensuite injectés aux patients. Au deuxième étage, des bureaux et des laboratoires serviront aux activités de recherche pluridisciplinaires et permettront d’exploiter au mieux la synergie entre les différents acteurs du projet. Enfin, les deux étages supérieurs seront réservés aux salles de traitement et aux chambres des patients », explique Saverio Braccini. « La possibilité d’exploiter une ligne de faisceau réservée à la recherche sur les applications médicales de la physique des particules est une chance formidable. Cela va permettre à la nouvelle génération de physiciens d’acquérir des compétences pointues et encore rares aujourd’hui, confie Antonio Ereditato, directeur du LHEP. La physique des particules a très souvent été la source de connaissances et de techniques précieuses pour la société. Avec ce projet, nous mettrons nos compétences au service de la médecine et, en parallèle, nous accomplirons des progrès scientifiques dans ce domaine ».

Le cyclotron sera acheminé jusqu’à Berne dans quelques semaines et les premiers isotopes seront produits vers la fin de l’année.

Le cyclotron IBA

Le Cyclone 18/18 d’IBA est un cyclotron à protons haute intensité à double source, spécialement conçu pour produire des radioisotopes. Des faisceaux de protons de 18 MeV et d’une intensité pouvant atteindre 150 mA peuvent bombarder une ou deux cibles simultanément. La machine possède huit sorties dotées de cibles pour la production de différents radioisotopes. Dans la configuration choisie pour Berne, l’une des sorties enverra le faisceau dans une ligne de 6 m terminant sa course dans une casemate séparée.

 

Fonctionnement de la TEP

La tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie médicale qui permet de détecter des cellules cancéreuses et d’étudier d’autres processus fonctionnels de l’organisme. Ce système détecte les rayons gamma produits par la recombinaison des électrons dans l’organisme avec les positons émis par le marqueur injecté. Cette technique est largement utilisée en oncologie, où la reconstruction d’images assistée par ordinateur permet de situer les annihilations matière-antimatière. En TEP, on injecte des radionucléides dans des composés (par exemple du fluor 18 dans du glucose, ce qui donne du fluorodésoxyglucose 18F), dont les tumeurs sont particulièrement friandes. Ainsi, dans les régions touchées, le taux de recombinaison positon-électron est plus élevé et la tumeur peut être décelée.

 

par CERN Bulletin