Milla Baldo Ceolin (1924-2011)
C’est avec une profonde tristesse que la communauté de physique des particules a appris le décès de l’un de ses membres les plus enthousiastes, passionnés et actifs, Milla Baldo Ceolin, professeur émérite à l’université de Padoue. Milla, qui souffrait depuis quelques mois d’une maladie invalidante, s’est éteinte en novembre dernier à l’âge de 87 ans.
Après avoir terminé ses études à Padoue en 1952, Milla débute sa carrière scientifique en tant que chercheuse dans le domaine des émulsions nucléaires en ballon exposées à des rayons cosmiques en haute atmosphère. À l’aide d’un faisceau de pions du Bévatron, au Laboratroire national Lawrence Berkeley (Californie), Milla et D. J. Prowse découvrent en 1958 le premier antihypéron : l’antilambda. Au début des années 1960, elle décide de changer de technique de détection et entreprend des expériences avec des chambres à bulles à Argonne, au CERN et à l’Institut de physique théorique et expérimentale (ITEP), à Moscou, afin d’étudier les règles de sélection et les lois de la conservation dans le système des kaons à l’aide d’un plus grand nombre de données. Parallèlement, son équipe à l’université de Padoue prend de plus en plus d’ampleur, au point de s’associer à des collaborations internationales.
En 1973, après la découverte des courants neutres, ses recherches se concentrent sur la physique des neutrinos. Au CERN, elle participe à l’expérience NUE, qui mesure, pour la première fois, les sections efficaces en diffusion élastique des électrons avec des neutrinos et des antineutrinos, et détermine une valeur pour l’angle de Weinberg. À l’aide de chambres à bulles au deutérium liquide, Milla et ses collègues effectuent au sein d’une vaste collaboration (Italie, France, Norvège et Pays-Bas) des études systématiques auprès du Supersynchrotron à protons (SPS) du CERN, sur les interactions de neutrinos en courant neutre et en courant chargé, et sur des protons et des neutrons quasiment libres. Enfin, elle dirige l'équipe italienne de la collaboration NOMAD, dont le détecteur étudiait les oscillations dans les années 1990.
Professeur titulaire en 1964, Milla est nommée directrice de la section de Padoue de l’INFN quelques années plus tard, puis devient directrice du département de physique. Elle a été membre de plusieurs académies et a reçu le Prix Feltrinelli de l’Accademia dei Lincei, ainsi que la Médaille d’or pour l’enseignement et les arts, la Médaille d’or pour la science et le Prix Enrico Fermi de la société italienne de physique.
En 1988, elle lance la série mondialement connue d'ateliers sur les télescopes à neutrinos, à l’Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, à Venise. Ces ateliers rassemblent des centaines de scientifiques autour de questions liées aux propriétés des neutrinos, à l’astrophysique et à la cosmologie ; son souci de la perfection s’illustre tant dans le cadre de programmes scientifiques que lors de manifestations culturelles ou sociales.
Les étudiants comme les collègues de Milla ont toujours été stimulés par sa manière non conventionnelle d’aborder des questions scientifiques, académiques ou culturelles. Nous lui seront reconnaissants pour toujours. Elle nous manquera beaucoup.
Ses amis et collègues de Padoue