Est-ce un triangle ?

Dans la théorie du Modèle standard, la masse, les interactions et l’état physique des quarks - constituants fondamentaux de la matière – sont décrits mathématiquement par une matrice appelée « matrice de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa » (matrice CKM). La matrice compte parmi ses paramètres trois angles. Si la somme de ces trois angles n’est pas égale à 180°, c’est peut-être le début d’une nouvelle physique.

 

Un événement LHCb typique, pendant la récente exploitation proton-ion plomb.

L’expérience LHCb du CERN a mesuré avec précision pour la première fois auprès d’un collisionneur de hadrons l’un des trois angles de la matrice CKM – l’angle « gamma » – celui dont la mesure présentait jusqu’ici la plus grande incertitude.

Tout réside dans les angles : si, dans une figure géométrique, la somme des angles n’est pas égale à 180°, c’est qu’il ne s’agit pas d’un triangle. Et, dans le cas de la matrice CKM, nous sommes peut-être en présence d’une physique au-delà du Modèle standard. Des expériences menées dans des usines à B ont mesuré les trois angles – α, β et γ – mais, compte tenu en particulier de la grande incertitude de la mesure de γ, les contraintes sur l’existence d’une nouvelle physique sont encore loin d’être fiables.

Après avoir passé plusieurs mois à analyser finement les données qu’elle avait recueillies en 2011, la collaboration LHCb a pu améliorer la mesure de précision de l’angle gamma, et atteindre ainsi une précision égalant celle des expériences menées auprès des usines à B, ce qui a permis d'obtenir de nouvelles informations cruciales pour l’ajustement global des paramètres CKM.

Les données obtenues sont le résultat d’une analyse complexe (voir l’encadré) reposant sur l’étude de diverses désintégrations de la particule B. « Les expériences menées précédemment dans les usines à B n’avaient étudié que certains des modes de désintégration de B possibles. Durant cette première phase, nous avons déjà pris en compte dans notre analyse trois modes de désintégration différents, explique Pierluigi Campana, porte-parole de LHCb. Nous devrions prochainement être en mesure d’intégrer de nouveaux modes et, d’ici à la fin de l’année prochaine, nous comptons achever l’analyse des données de 2012, dont la collecte est encore en cours. »

Graphique de LHCb montrant le niveau de confiance du signal en fonction de gamma pour la combinaison des modes B→DK. Le pic donne la valeur centrale mesurée ; la largeur de la courbe indique l'erreur.

 

Angles, voies et désintégrations

Selon les lois de la physique quantique, les particules peuvent se désintégrer pour atteindre le même état final, mais par des voies différentes. La probabilité de ces modes de désintégration est directement liée à la manière dont les quarks se mélangent et interagissent les uns avec les autres lors de la transition. Les différentes voies sont mathématiquement liées à l’angle γ par un facteur que les physiciens appellent « interférence ». Grâce à la précision de son détecteur et à l’excellente performance du LHC, la collaboration LHCb a pu détecter les différents modes de désintégration de la particule B avec des statistiques élevées et, ainsi, une grande précision. À partir uniquement des résultats de la désintégration B → DK, on a pu déterminer une valeur non ambiguë du meilleur ajustement, à savoir γ = (71,1 +16,6-15,7) °.

Par ailleurs, pour la première fois, les données des désintégrations B → Dπ ont été incluses dans une combinaison. Lorsque ces données sont incluses, la valeur du meilleur ajustement devient : γ = 85,1 °, et les intervalles de valeurs autorisés sont [61,8; 67,8] ° ou [77,9; 92,4] ° pour un degré de confiance de 68 %.


Pour plus d'informations sur ce sujet, visitez la page web de LHCb.

par Antonella Del Rosso