Les femmes en sciences : une nécessité

Le titre original de la table ronde qui s’est tenue au Palais des Nations Unies avait beau comporter un point d’interrogation, aucun participant n’avait de doute quant à la place des femmes dans les sciences : les systèmes éducatifs du monde entier doivent inciter les jeunes filles à s’intéresser aux sciences, car la science ne peut se faire sans les femmes.

 


 

La table ronde intitulée « Les femmes en sciences – une nécessité ? » a été organisée par l’UNESCO, le CERN, l’UIT et la Fédération internationale des femmes diplômées des universités (FIFDU). Elle était animée par Manjit Dosanjh, membre du CERN et de la FIFDU, la plus ancienne organisation non-gouvernementale à promouvoir l’égalité des sexes à travers l’éducation.

« La question ne se pose même pas : oui, les femmes sont une nécessité en sciences, a expliqué Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, lors de l’ouverture de la table ronde. Comme vous le savez, les frontières ont beaucoup évolué. Les ressources passent aujourd’hui d’un continent à l’autre sans problèmes. Nous devons donc exploiter au maximum le génie humain, cette énergie renouvelable qui ne connaît pas de frontières. L’innovation doit fonctionner à pleine puissance pour que de nouvelles solutions inclusives, équitables et durables voient le jour. C’est la raison pour laquelle l’égalité des sexes est si importante. C’est une question de droits humains. »

Les difficultés rencontrées pour développer l’intérêt des jeunes filles pour les sciences se manifestent très tôt, le plus souvent dans les établissements d’enseignement secondaire car les matières scientifiques et technologiques y sont perçues comme étant plus adaptées aux garçons qu’aux filles. Rien d’étonnant donc à ce que les femmes représentent moins de 10 % des salariés des 100 plus grandes entreprises de haute technologie du monde. « Plus le niveau scolaire ou professionnel est avancé, moins on trouve de femmes, confirme Monique Morrow, responsable technique pour l’Asie et ingénieure-conseil auprès de Cisco Systems. Nous avons un slogan chez Cisco : nous sommes fiers d’être geeks et notre métier est fantastique. Malheureusement, encore trop peu de filles y sont sensibles. » Doreen Bogdan-Martin, chef du département de la planification stratégique et des relations avec les membres de l’Union internationale des télécommunications (UIT) s’est fait l’écho de ce message : « Dans notre rapport intitulé “Bright future” (un avenir brillant), nous avons conclu que le manque d’intérêt pour les matières scientifiques et technologiques chez les filles était dû principalement à l’attitude des parents et des enseignants. Notre perception de la science pose un réel problème. Les filles ne veulent pas suivre des matières où elles se retrouveront seules, entourées de garçons. L’UIT a récemment collaboré avec l’actrice américaine Geena Davis, qui milite pour donner aux filles de nouveaux modèles à suivre. D’où le nouveau slogan de l’UIT : “Ce qu’elle voit, elle peut le devenir” (If she can see it, she can be it). Nous espérons que grâce à ce genre d’initiatives, les filles comprendront qu’elles ont le choix et que la science et la technologie ont beaucoup à leur offrir. Nous aimerions que les parents se rendent compte que les matières scientifiques sont des disciplines fantastiques pour leurs filles. »

Le Directeur général du CERN, Rolf Heuer, qui était d’ailleurs le seul homme présent à la table ronde, a souligné l’importance des enseignants et du système éducatif. « Nous sommes toujours plus dépendants de la science et de la technologie, et dans le même temps, toujours plus ignorants. Nous devons attirer les jeunes générations et nourrir leur intérêt pour la science, a-t-il expliqué. Il faut inciter les jeunes filles et les femmes à entrer dans le monde de la science, les recruter de manière égalitaire et créer un environnement de travail inclusif où le potentiel de chacun peut s’exprimer pleinement. Il faut également mettre l’accent sur l’excellence ! La meilleure approche consiste à allier diversité et excellence. De ce point de vue, les enseignants ont un rôle fondamental à jouer car ils contribuent sur le long terme à créer une telle dynamique. Les pouvoirs publics devraient continuer à investir dans l’éducation et la recherche, et ce, même en période de crise économique, car l’investissement est à la base de tout. »

L’exemple de Francisca Okeke, physicienne originaire du Nigéria et lauréate du prix L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science, montre qu’une femme peut réussir même dans un contexte difficile. L’histoire de cette passionnée de sciences a fasciné le public.

« À ma grande satisfaction, la table ronde a présenté un intérêt non seulement pour les participants mais également pour le public. Je crois que nous avons atteint notre objectif. Nous voulions faire preuve d’optimisme sur ce sujet et je pense que toutes les interventions y ont contribué », a commenté Manjit Dosanjh à la fin de l’événement.

Comme l’a souligné à juste titre Sudeshna Datta-Cockerill, à la tête du programme Diversité du CERN, cela faisait plaisir de voir des hommes dans le public. « Il est essentiel que nos collègues masculins nous aident à attirer et à recruter des femmes en sciences. Cette question concerne tout le monde. » Effectivement, quelques hommes étaient présents dans le public… C’est déjà un début !





par Antonella Del Rosso