Statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies : une chance pour rouvrir le dialogue
La semaine passée, pour la première fois depuis que le CERN s’est vu accorder le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies, j'ai participé à un important forum de l’ONU - le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) - qui se réunit à Genève durant tout le mois de juillet.
Je suis intervenu en début de session, dans le cadre de l’examen ministériel annuel de l’ECOSOC, sur le thème : « La science, la technologie et l’innovation ainsi que les perspectives ouvertes par la culture au service de la promotion du développement durable et de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement ». Le titre est un peu long, comme souvent pour ce genre de session, mais c’est un sujet qui me tient à cœur. J'ai pu évoquer des facteurs essentiels au développement d'une société planétaire : l’importance de la science pour atteindre des objectifs aussi nobles que ceux visés par les Nations Unies ; la valeur intrinsèque de la science fondamentale pour promouvoir une culture scientifique générale ; la nécessaire coexistence de la compétition et de la coopération ; et la nécessaire pérennité du financement de la science.
Les objectifs du Millénaire pour le développement vont de l’élimination de l’extrême pauvreté à la préservation de l’environnement. Ce sont plus que de simples défis politiques : pour les réaliser, nous avons besoin de la science. Je suis fermement convaincu que toutes les régions du monde doivent accroître leur soutien à la recherche et à l’innovation pour garantir le développement durable nécessaire à la croissance, pour nous donner les moyens d'être à la hauteur des objectifs du Millénaire, et pour nous permettre d'aborder les grandes questions sociétales de notre époque. L’élimination de la pauvreté passera par la réduction des gaspillages et l’accroissement de la production. Et la science doit y contribuer. La préservation de l’environnement suppose de s’attaquer à des questions comme la consommation de l’énergie et de comprendre les changements climatiques. Là encore, la science a un rôle à jouer.
Si la pérennité a besoin de la science, la science a besoin des hommes, que ce soit pour faire de la science, pour soutenir la science ou pour comprendre la nature de la science. C’est en cela que des projets phare comme le LHC sont si importants. Non seulement ils nous apportent de nouvelles et précieuses connaissances, mais ils inspirent également toutes les générations, en permettant une prise de conscience de la nature et de la valeur de la science, tout en encourageant les jeunes à poursuivre une carrière scientifique.
La science se nourrit de compétition et de coopération à l’échelle mondiale. Les expériences LHC ont clairement montré que le partage de savoir-faire profite à tous. Elles mettent en commun leurs connaissances, tout en se livrant à une concurrence intense, pour obtenir un résultat. Et c’est le résultat qui compte en définitive, car il profite à tous.
Enfin, la science doit être pérenne, et c’est là que le CERN a un message particulièrement fort à faire passer aux dirigeants actuels de notre planète. Il y a près de 60 ans, le CERN a été créé grâce à la vision de responsables politiques et de scientifiques qui ont pris conscience que le cycle scientifique était bien plus long que le cycle politique ou économique, et que des mécanismes devaient être mis en place pour garantir la continuité. Ainsi fut créé le modèle de gouvernance du CERN. Et pour juger de son efficacité, il suffit de regarder le CERN aujourd’hui. Le Laboratoire est toujours là, plein de vitalité, et l’an dernier, il a annoncé une découverte qui fut prédite pour la première fois alors qu’il n'avait que 10 années d'existence.
Tels sont les messages qui doivent être transmis à la société. Notre statut d'observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies nous donne la possibilité, longtemps attendue, de rouvrir un dialogue avec la société, à une époque où la science compte plus que jamais.
Rolf Heuer