Un mot du Directeur scientifique: Les expériences du LHC se préparent

Lors des premières discussions sur les expériences relatives à un futur collisionneur de protons de hautes énergies, on a entendu plus d’une fois «Mais nous ne savons pas construire des détecteurs capables de fonctionner dans un tel environnement». D’un côté, ces remarques pouvaient être décourageantes, mais d’un autre côté, cela n’a pas empêché les pionniers de commencer à concevoir des expériences pour le Grand collisionneur de hadrons. Initialement, les premières idées jetées sur le papier étaient souvent peu ambitieuses, visant uniquement des signatures d’événements très spécifiques. Aujourd’hui, ATLAS et CMS sont des détecteurs complets, polyvalents, comportant de puissants systèmes de trajectographie, une calorimétrie haute résolution et des spectromètres à muons de grande précision. Les expériences spécialisées ALICE et LHCb, ainsi que les deux détecteurs plus petits, TOTEM et LHCf, sont également ultraperfectionnés.

J’ai suivi activement la création des expériences en tant que membre (puis président) du Comité des expériences LHC, en tant que directeur de NIKHEF, et, ces 5 dernières années, depuis le CERN. Une R&D innovante, la construction des prototypes, les essais de faisceau, la production et l’intégration des détecteurs, tout cela a fonctionné comme voulu, même s’il a fallu résoudre les problèmes qui ont inévitablement surgi. Des problèmes techniques (les fameux «défis du LHC»), mais aussi des problèmes financiers («un vrai casse-tête»).

Le développement de l’électronique submicronique a été un succès remarquable, et, rétrospectivement, c’était une nécessité. Des technologies très audacieuses ont été choisies pour la calorimétrie électromagnétique: pari gagné. Des systèmes d’aimants supraconducteurs extrêmement puissants et complexes ont été construits: pari gagné. Des systèmes de déclenchement et d’acquisition de données en avance sur la technologie existante au moment de leur développement ont été conçus: pari gagné à nouveau. Il s’agit là seulement de quelques points forts, et j’espère que les collaborations et les équipes travaillant sur la machine trouveront le temps d’écrire le récit complet de leur «préhistoire». Toutefois, je m’empresse d’ajouter que, même si c’était formidable d’être impliqué depuis le début, les vrais héros de cette merveilleuse aventure sont les physiciens et les ingénieurs, qui, grâce à leur créativité, ont permis cette réalisation.

Les salles de contrôle sont devenues récemment des endroits très actifs, car les expériences ont déjà commencé à prendre des données. Pour le moment, elles ne font qu’enregistrer des particules tombés du ciel, mais cela permet de procéder à des essais très utiles. Chaque expérience travaille comme un véritable système, y compris le traitement des données en différé. Une très étonnante révolution silencieuse a eu lieu ces cinq dernières années: la création de la Grille de calcul du LHC. Ce n’est pas un luxe, ni une fantaisie d’informaticien, mais une nécessité, car, sans la Grille, l’analyse des données du LHC serait en fait impossible.

Nous sommes tous très impatients et, lorsque les expériences auront enregistré les premières collisions, nous ressentirons un certain soulagement. Très bientôt, les données du LHC nous ouvriront de nouvelles perspectives sur la Nature à une très haute énergie. Après huit ans d’absence, le CERN est enfin de retour aux limites des hautes énergies !

Jos Engelen