Claude Nicollier en visite au CERN

Claude Nicollier, premier astronaute suisse, était en visite au CERN jeudi 22 juin pour animer un colloque sur le télescope spatial Hubble. À l’heure où le programme de la navette spatiale touche à son terme, il a retracé sa riche expérience au sein de la NASA et évoqué un projet futuriste auquel il participe actuellement.

 

Le colloque, intitulé « Hubble : l’astronome, le télescope, les résultats » était axé sur trois thèmes : les découvertes fondamentales faites par Edwin Hubble au début du XXe siècle, les missions d’entretien du télescope en orbite et les principaux résultats récemment obtenus sur la structure et l’histoire de notre Univers. Claude Nicollier, qui a eu le privilège rare d’être réellement en contact avec le télescope Hubble en orbite, a même projeté quelques photos personnelles prises lors de ses missions. Peu d’astrophysiciens ont eu l’expérience d’un rapport aussi direct avec le télescope. « J’ai eu la chance d’effectuer l’entretien de Hubble deux fois, une fois depuis le confort de la navette spatiale et une fois dans le vide spatial, explique Claude Nicollier. Ce télescope est une incroyable machine à découvertes et, en tant qu’ancien astrophysicien, j’avais vraiment envie d’aller à sa rencontre et d’aider à son bon fonctionnement. »

Ayant achevé sa formation d’astrophysicien en 1975, Claude Nicollier a été sélectionné par l’Agence spatiale européenne (ESA) en 1978, aux côtés de deux autres astronautes, Ulf Merbold et Wubbo Ockels, pour participer au projet Spacelab (la première collaboration entre l'ESA et la NASA). Bien qu’il n’ait pas participé aux missions Spacelab, Claude Nicollier a pu suivre une préparation complète au travail à bord de la navette, notamment sur certains aspects d’astronautique, tels que les sorties extravéhiculaires et la robotique. « Mon entraînement a eu lieu à Houston, au Texas, avec des astronautes américains, puis avec des Canadiens et des Japonais. C’est à cette époque que je suis devenu ami avec Charles Bolden, explique Claude Nicollier. C’est d’ailleurs Bolden qui pilotait la navette spatiale Discovery en 1990 lors du vol de mise sur orbite de Hubble. »

Claude Nicollier et le Général Charles Bolden Jr. durant leur visite au CERN.

Ce dont Claude Nicollier ne se doutait pas, c’est que le jour de sa visite au CERN, le général Charles Bolden Jr. se trouvait également sur place pour découvrir le Centre d'exploitation et de contrôle de charge utile de la collaboration AMS, aujourd’hui pleinement opérationnel. Une courte rencontre a été organisée, pour le plus grand bonheur des deux amis, qui ne s’étaient pas revus depuis plusieurs années (voir article du Bulletin n° 26-27).

En raison des retards dus à l'accident de la navette Challenger, Claude Nicollier n'a pu effectuer son premier vol dans l'espace qu'en 1992. L'année suivante, il était à bord de la navette à l’occasion de la mission STS-46, première mission d'entretien de Hubble. « C’était une mission très importante, car la NASA devait réparer un défaut optique qui touchait son télescope à deux milliards de dollars », explique-t-il. Ils nous ont dit : « Allez le réparer, vous devez réussir ! » L'objectif premier de cette mission était d'installer COSTAR (Corrective Optics Space Telescope Axial Replacement), un correcteur optique qui présentait le même défaut que le premier miroir défectueux mais à l’envers, ce qui a permis de résoudre le problème. Lors de cette mission, où Claude Nicollier était à la fois aux commandes du bras robotisé et mécanicien navigant, l’équipage a réussi à accomplir toutes les tâches prévues.

Ce n’est qu’en 1999 que l’astronaute est retourné sur Hubble, à l’occasion de la mission STS-103, pour effectuer une sortie extravéhiculaire de huit heures. Claude Nicollier explique qu’il était très ému de retrouver Hubble pour son dernier voyage dans l’espace : « L’approche du laboratoire en orbite était une expérience extraordinaire et j’étais très enthousiaste. J’avais l’impression de retrouver un vieil ami que je n’avais pas vu depuis six ans. C’était une grande satisfaction de le laisser en si bonne forme à la fin de la mission ! »

Planant au-dessus de la navette spatiale Discover, Claude Nicollier et C. Michael Foale réparent le télescope spatial Hubble. 

La sortie dans l’espace consistait à accomplir la tâche ardue de remplacer l’ordinateur principal du télescope. Mais, selon Claude Nicollier, la NASA prépare vraiment bien ses astronautes à réaliser ce type de travaux. « Nous avions simulé environ dix fois la sortie spatiale en piscine, en travaillant sur des reproductions fidèles du télescope. L’environnement nous était donc familier. L’eau permet de très bien simuler l’absence de gravité. Lors de ma sortie dans l’espace, je me rappelle avoir pensé : “Tu peux le faire, tu l’as déjà fait.”»

Les photos personnelles de Claude Nicollier sont venues compléter une série d’images magnifiques produites par Hubble au cours des dernières années. Ces clichés nous ont transportés au cœur de notre Univers, entre disques protoplanétaires et champ ultra-profond, dix milliards d’années en arrière. Alors que le LHC est à la recherche des particules qui auraient existé quelques instants après le Big Bang, les liens entre l’astrophysique et la physique des particules ne cessent de se renforcer. Et comme le résume si bien Claude Nicollier : « Le rapport entre la physique des particules et tout le reste est évident, car tout est fait de particules… »

 

Solar Impulse : le prochain défi de Claude Nicollier

Claude Nicollier occupe actuellement le poste de professeur ordinaire de technologies spatiales à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, mais il a récemment été invité à participer au projet Solar Impulse. « J’aime enseigner et travailler en laboratoire, mais j’aime également être sur le terrain et le projet Solar Impulse était l’occasion pour moi de remettre le pied à l’étrier », a-t-il confié. Solar Impulse est un avion révolutionnaire alimenté exclusivement à l'énergie solaire, qui devrait effectuer en 2014 un tour du monde en plusieurs étapes. Claude Nicollier, directeur des vols d’essai, et son équipe devraient participer aux tests sur le modèle final de l’avion solaire en 2013. « Notre équipe va probablement participer à nouveau aux vols d'essai avec le modèle final de l’avion car nous avons l’expérience de son comportement et nous connaissons bien le cockpit », explique-t-il.

 Vous pouvez visionner le colloque animé par Claude Nicollier ici et suivre le projet Solar Impulse sur son site web.

par Jordan Juras