La science pour tous, tous pour la science !

Du 20 au 23 juin dernier, le CERN a accueilli des membres de la Fondation Shuttleworth. Cette fondation soutient différents types de projets en libre accès (« open source ») fondés sur la participation volontaire, qui se penchent sur des problèmes humanitaires et scientifiques. Elle est également la marraine fondatrice du Citizen Cyberscience Centre, un partenariat entre le CERN, l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche et l’Université de Genève, qui donne à tous les citoyens la possibilité de participer à la recherche scientifique sur le web.

 

Les ressources en ligne en libre accès ont le potentiel de faire tomber les barrières économiques, sociales et éducatives. Tel était l’objet des discussions qui ont réuni les membres de la Fondation Shuttleworth et leurs hôtes du CERN. Lors d’une table ronde qui s’est déroulée le 20 juin, ils ont pu partager leurs informations sur leurs projets en libre accès. Pour commencer, les membres de Shuttleworth ont abordé différents thèmes : P2PU, une université en ligne de pair à pair ; Siyavula, un projet qui utilise des ressources pédagogiques en libre accès dans des écoles d’Afrique du Sud ; Connexions, un serveur de matériel pédagogique en libre accès ; les licences Creative Commons, et les moyens de rendre les données gouvernementales plus accessibles grâce à la Open Knowledge Foundation. Ensuite, un certain nombre de projets du CERN ont été présentés, parmi lesquels l’initiative de Publication en libre accès pour la communauté de la physique des hautes énergies, et le projet CERN-UNESCO pour la création de bibliothèques numériques en Afrique.

Tous ces projets poursuivent un seul et même objectif ; mais comment naissent-ils ? D’après François Grey, coordinateur du Citizen Cyberscience Centre (CCC), ces projets en libre accès, tout comme les projets d’informatique participative (« volunteer computing ») que gère le CCC, ont tendance à voir le jour dans les pays occidentaux. « Pourtant, le potentiel pour ce type de projets est considérable dans les pays en développement. Au lieu de devoir investir dans un centre de calcul très coûteux, les scientifiques africains pourraient accéder à un vaste réseau de ressources informatiques grâce à un seul serveur, explique-t-il. Au CCC, nous voulons faire en sorte que le savoir-faire et la technologie de l’informatique participative soient mises à la disposition des scientifiques du monde entier. » Le CERN, qui abrite le siège du CCC au sein de son bâtiment IT, est l’un des principaux partenaires institutionnels du Centre. La Fondation Shuttleworth, quant à elle, lui apporte son principal financement.

Pour répondre aux problèmes qui se posent en particulier dans le monde en développement, le CCC organise ce qu’il appelle des « hackfests ». Il s’agit de sessions qui rassemblent des scientifiques et des autochtones concernés par la question du logiciel libre, ainsi que toute personne intéressée, pour travailler autour d’un problème particulier. D’après François Grey, « ces sessions vont au-delà du simple atelier, car lorsqu’elles se terminent, les scientifiques repartent avec bien plus qu’une idée. Ils emportent avec eux le prototype d’un nouveau projet et savent qu’ils peuvent compter sur l’aide de tout un réseau de personnes qui veulent y participer. » Ces hackfests ont déjà permis à un grand nombre d’initiatives de se concrétiser, dont une qui a pour but de surveiller la déforestation de la forêt amazonienne.

Ces différents projets de libre accès et d’informatique participative ne représentent qu’une infime partie d’un mouvement en plein essor qui vise à faire participer les citoyens aux contenus éducatifs et scientifiques par le biais du web. Grâce aux projets de science citoyenne (« Citizen Science »), des gens du monde entier participent à la recherche scientifique comme jamais auparavant. « Si vous donnez aux citoyens la possibilité et les moyens de le faire, ils peuvent vraiment contribuer à faire progresser la science, conclut François Grey. Les projets du CCC permettent aux volontaires de suivre la même démarche que les scientifiques, de poser des questions et de tirer eux-mêmes des conclusions utiles et scientifiquement pertinentes. »

 

LHC++@Home

Lorsque LHC@Home a été lancé en 2004, il s’agissait simplement d’un projet participatif pour fêter le 50e anniversaire du CERN. Pourtant, une semaine seulement après la mise en ligne du projet, des milliers d’ordinateurs traitaient déjà quantité de données. Ces dernières se sont avérées très utiles pour les ingénieurs du LHC et, sept ans plus tard, le projet est toujours d'actualité.

Mais avec les progrès informatiques et l’avènement de la « machine virtuelle » (un logiciel qui permet à des ordinateurs d’imiter différents systèmes d’exploitation), l’informatique participative pourrait permettre de trouver des réponses à des questions beaucoup plus pointues sur le LHC. Un nouveau projet, connu sous le nom de LHC++@Home, consistera à exécuter des simulations complètes de physique des hautes énergies sur des ordinateurs ordinaires; c'est grâce à CernVM, une technologie de machine virtuelle innovante développée au CERN. Bien qu’il soit encore en phase de test, ce projet permettra bientôt à chacun d’aider les scientifiques du CERN à mener des recherches de pointe tout en étant confortablement assis dans son salon.

LHC++@Home rejoindra alors les nombreux projets de science citoyenne qui produisent déjà des résultats, parmi lesquels Fold.it, un jeu révolutionnaire qui permet à ses joueurs de plier des protéines et ainsi de contribuer concrètement au domaine du remodelage de protéines ; Quake-Catcher Network, un projet qui relie des ordinateurs du monde entier pour former un vaste système de surveillance des séismes ; et le célèbre projet GalaxyZoo, qui donne à chacun la possibilité de classer et, occasionnellement, de découvrir de nouvelles galaxies.

 

par Katarina Anthony