Le blog de Pauline Gagnon : A t-on bâti le LHC seulement pour trouver le Higgs ?

Si tel était le cas, vous seriez en droit de penser que tous les physiciens et physiciennes impliqués sont tombés sur la tête ! Mais en fait, le programme de recherche du Grand collisionneur de hadrons (ou LHC) est beaucoup plus ambitieux.

 

Une sélection des résultats obtenus par l'expérience ATLAS jusqu'à maintenant en quête de nouvelles découvertes. En bleu, les recherches portant sur plusieurs variantes de modèles supersymmétriques, en turquoise, les modèles visant des dimensions cachées, et les autres couleurs indiquant d'autres modèles encore plus exotiques.

Malgré la médiatisation du boson de Higgs, celui-ci ne représente qu’une partie des nombreuses questions que nous espérons élucider avec cet incroyable outil de recherche qu’est le LHC. Il est vrai que le Higgs apporte une solution si élégante au problème de l’origine de la masse qu’il a suscité beaucoup d’intérêt parmi les scientifiques et dans le grand public.

Mais le LHC pourrait nous ouvrir la porte sur un univers parallèle, sur de nouvelles dimensions ou sur la découverte de nouvelles particules aussi nombreuses que celles déjà connues. Ce ne sont là que quelques exemples de ce que l’on pourrait découvrir.

En explorant le monde des particules infiniment  petites, plusieurs, parmi nous, espèrent trouver des réponses sur l’origine et la destinée de notre univers. L’expérience ALICE étudiera par exemple les propriétés du plasma de quarks et gluons, un état de matière qui n’a existé qu’immédiatement après le Big Bang.

Mais justement, que s’est-il passé après ce fameux Big Bang ? Pourquoi, aujourd’hui, n'observe-t-on que de la matière autour de nous, alors qu’on sait qu’en laboratoire, matière et antimatière sont créées en quantités égales ? C’est précisément le but de l’expérience LHCb, qui a déjà poussé ces recherches plus loin qu’auparavant.

Comprendre en quoi consiste la matière noire est l'un des enjeux majeurs du LHC.

La matière noire fut postulée en 1934 par Fritz Zwicky pour expliquer pourquoi les galaxies ne s’éparpillent pas sous l’effet de la force centrifuge. Une quantité de matière d’origine inconnue mais extrêmement abondante semble en effet produire la force gravitationnelle nécessaire à leur stabilité. Et on peut difficilement l’ignorer puisque cette matière noire constitue plus de 95% de toute la matière contenue dans l’Univers ! Cette étrange matière, contrairement aux étoiles et galaxies, n’émet aucune lumière, d’où son nom. Elle ne répond qu’à la force gravitationnelle, laissant place à toutes les spéculations sur sa nature.

Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer de quoi il s’agit, mais jusqu’à maintenant, nous n’avons pas encore réussi à l’identifier. Ce mystère demeure entier, même si certains chercheurs affirment l’avoir observée, ce que d’autres réfutent.

Certains parmi nous, et je suis du nombre, espèrent découvrir un univers parallèle et hypothétique fait de matière noire appelé la Vallée cachée, ayant très peu d’échanges avec notre monde.

Les expériences ATLAS et CMS, grâce à leur grande versatilité, peuvent rechercher différents types de matière noire. Un candidat pour ce type de matière est justement proposé dans le cadre de la supersymétrie (ou simplement SUSY), une théorie si populaire que plusieurs s’attendent à ce que ce soit la première découverte au LHC.

SUSY est vue comme l’extension la plus simple qu’on pourrait faire au modèle actuel décrivant le monde des particules, le Modèle standard, et pourrait combler certaines de ses lacunes. Le Modèle standard classe les particules en deux catégories : les fermions et les bosons. Les premiers sont les plus petits grains de matière, les seconds transmettent les différentes forces agissant entre ces particules. Ces deux types de particules ont un comportement complètement différent. Les fermions ont un spin de ½ alors que les bosons ont un spin entier - le spin étant une propriété de base comme la charge électrique. SUSY associe un super partenaire à chaque particule, appariant un sfermion (ou super fermion) de spin entier à tout fermion. Même chose pour les bosons. Et les particules lourdes se voient associer une super particule légère, et vice versa, nous donnant un monde beaucoup plus équilibré, et élucidant l’étrange disparité dans la masse des particules élémentaires qui vont de l’ultra légère à la super lourde.

La supersymétrie a tout pour plaire. Il ne lui manque qu’une chose : être découverte !

Et que diriez-vous si on vous annonçait que l’on vit non pas dans un monde à quatre dimensions (trois d’espace et une de temps) mais dans un monde contenant d’autres dimensions cachées ? C’est du moins ce que suggèrent certains théoriciens qui prédisent que ces autres dimensions seraient à si petite échelle qu’on ne pourrait pas les percevoir. Un peu comme si vous étiez un funambule marchant sur un câble tendu. Vous ne pouvez qu’avancer ou reculer. Par contre, une fourmi peut faire le tour du câble, accédant ainsi à une autre dimension qui vous est inaccessible.

Ces dimensions cachées expliqueraient pourquoi la force gravitationnelle est si faible. Ce phénomène a toujours mystifié les scientifiques. Par exemple, la force électromagnétique surpasse la gravité par 41 ordres de grandeur à l’échelle du noyau atomique ! Ainsi, un simple petit aimant suffit pour créer une attraction plus forte entre un petit objet et un frigo que la force de gravité exercée par la Terre entière ! Si ces dimensions cachées existent, elles fourniraient un endroit où la force gravitationnelle pourrait être engloutie, ne laissant que des résidus de cette force à notre échelle.

Décidément, qu’adviendra-t-il de la science-fiction si la physique des particules révèle autant de possibilités farfelues ?

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par Pauline Gagnon