Conférence ICTR-PHE : unir les sciences pour vaincre le cancer

Radiochimistes, spécialistes de la médecine nucléaire, biologistes, développeurs de logiciels, spécialistes des accélérateurs, oncologues et physiciens spécialisés dans le domaine des détecteurs : la conférence ICTR-PHE est un étonnant lieu d’échanges entre experts issus de diverses disciplines mais visant un but commun : combattre le cancer au moyen de techniques d’avant-garde dans leurs domaines de compétences respectifs. Sortir des sentiers battus est leur spécialité.

 

Steve Myers, chef du programme d’applications médicales du CERN, pendant son discours à la conférence ICTR-PHE.

Vous voyez encore les scientifiques comme des personnes mystérieuses vivant enfermées dans leur laboratoire et ne parlant qu'à leurs pairs ? Alors il est temps de passer au niveau « scientifique 3.0 ». Si vous étiez allé à la conférence ICTR-PHE 2014, vous auriez vu des experts en radiochimie travaillant en hôpital demander aux spécialistes des accélérateurs du CERN de produire les isotopes dont ils ont besoin pour élaborer des produits radiopharmaceutiques innovants. Et des médecins se lever pour demander à leur tour : « Quand pourrons-nous les avoir ? » D’emblée, la deuxième édition de la conférence ICTR-PHE s’annonçait vraiment exceptionnelle.

Le cancer est une maladie complexe dont le comportement et l’évolution sont propres à chaque patient. Si, dans l’esprit du profane, les protocoles médicaux utilisés pour traiter le cancer sont statiques et universels, les discussions à la conférence ICTR-PHE ont montré que la tendance en médecine est au traitement personnalisé. Cela suppose une approche combinée et coordonnée à toutes les étapes : imagerie, administration de produits pharmaceutiques et planification du traitement. « Nous devons admettre que le temps où le cancer était traité par un seul expert en oncologie est révolu », souligne Michael Baumann, des Hôpitaux universitaires de Dresde.

La production d’isotopes moins toxiques et plus efficaces à des fins cliniques et d’imagerie médicale figuraient parmi les thèmes les plus discutés de la conférence. Des isotopes spécifiques présentant différents degrés d’efficacité pour l’administration des doses sont très demandés par les radiobiologistes, qui conçoivent et testent de nouveaux produits pharmaceutiques destinés à améliorer la qualité de l’imagerie médicale, mais aussi à être utilisés comme projectiles actifs contre les cellules malignes. Puisque les cellules cancéreuses réagissent différemment aux rayonnements, chaque tumeur spécifique exige des isotopes spécifiques. En outre, dans certains cas, on a constaté que la sensibilité aux rayonnements des cellules malignes dépend de la présence ou non de virus. Par exemple, il a été observé que les cellules infectées par le papillomavirus sont plus sensibles au traitement. Dans d’autres cas, des études in vivo indiquent que l’utilisation de la radiothérapie et d’anticorps dans une combinaison de traitements pourrait améliorer le pronostic des tumeurs non hypoxiques.

Les discussions ont également porté sur les essais cliniques en hadronthérapie. Les médecins disposent à présent d'un recul suffisant sur ces techniques pour pouvoir présenter et comparer des données significatives. Même si la question des essais cliniques randomisés reste d’actualité, beaucoup a été fait pour définir des protocoles communs permettant aux divers centres de mieux comparer leurs procédures et leurs taux de réussite.

La contribution du CERN à ce domaine a été mise en relief dans nombre d'exposés, notamment la conférence d’Ugo Amaldi et l’intervention de Steve Myers, récemment nommé chef du programme d’applications médicales du CERN. Parmi les nouvelles possibilités concrètes à l’étude figurent la conception d’un accélérateur compact, efficace, économique et prêt à l’emploi pour des applications médicales, ainsi que la construction de la nouvelle installation BioLEIR, qui fournira aux utilisateurs externes des faisceaux de particules de différents types et de différentes énergies pour la radiobiologie et le développement de détecteurs. Et ce n’est pas tout : l’informatique grande échelle utilisée pour l’acquisition et le traitement de données du LHC serait extrêmement bénéfique au secteur de la médecine, qui gère des données de plus en plus volumineuses. Par ailleurs, la production d’isotopes innovants pour la recherche médicale pourrait être réalisée grâce à la nouvelle installation MEDICIS. Enfin, le développement de nouvelles techniques de détection pourrait contribuer à réduire le coût des instruments actuellement utilisés en imagerie médicale. « Le CERN participe de plus en plus au développement d’applications médicales découlant de ses activités principales, souligne Steve Myers. Toutefois, pour qu’une collaboration gagnant-gagnant puisse s’instaurer, nous avons besoin du concours de la communauté médicale, et cela au niveau mondial. Ainsi, nous invitons chacune et chacun, aux quatre coins de la planète, à nous rejoindre dans ce projet. »

par Antonella Del Rosso