Lyn Evans décélère !

Après plus de 40 ans au CERN, dont 15 consacrés à la réalisation du LHC, Lyn Evans prend sa retraite. Lyn Evans, professeur à l’Imperial College, élu récemment à la British Royal Society, s’est lancé de nouveaux défis, mais prévoit de garder des liens étroits avec le CERN. Il remercie chaleureusement les centaines de personnes qui ont participé à la construction de l’un des instruments scientifiques les plus complexes jamais conçus par l’homme.

Note de la rédaction : Le Bulletin n’a pas pour habitude de publier des interviews sous la forme question-réponse. Toutefois, dans le cas d’une personnalité de cette stature, il nous est apparu que la meilleure chose à faire était de lui laisser la parole.


Bulletin : Lyn, est-ce que vous quittez vraiment le CERN ?
Je prends ma retraite, mais je ne perdrai pas complètement le contact avec le CERN, ni avec le LHC. Le temps est venu pour moi de ralentir le rythme, mais je rejoindrai la Collaboration CMS, pour travailler à la liaison entre l’expérience et la machine.

Bulletin : Après de nombreuses années en tant que chef du projet LHC, quels sentiments éprouvez-vous envers le CERN ?
Je suis resté au CERN 41 ans, et j’ai travaillé sur le LHC pendant environ 15 ans. Le LHC constitue une large part de mon activité au CERN, mais j’ai aussi fait d’autres choses. Le LHC est une machine fabuleuse. Si c’était à refaire, il n’y a pas grand-chose que je voudrais faire différemment. Nous devons à présent effectuer certaines opérations de consolidation, mais, pour moi, cette machine va encore tourner 20 ou 30 ans.

Bulletin : Quelle est l’entreprise la plus ambitieuse que vous ayez menée au cours de votre carrière ?
Construire le LHC, bien sûr ! Difficile de trouver un projet plus ambitieux…

Bulletin : Quel a été le pire moment de votre carrière ?
La réaction du Conseil face au dépassement de crédits de 18% en 2001. Je peux faire face aux problèmes techniques, mais les problèmes politiques et financiers sont beaucoup plus redoutables. 2001 et 2002 ont été les années les plus difficiles pour le projet.

Bulletin : Et le meilleur moment ?
Le moment où deux faisceaux sont entrés en collision à 7 TeV, quand j’ai vu l’affichage des capteurs… C’était un moment très fort, j’étais extrêmement ému.

Bulletin : À votre avis, quelle est la meilleure chose que le LHC pourra nous apporter ?
Le LHC est une machine construite pour la recherche. La meilleure chose qu’il va nous apporter est quelque chose que nous n’imaginerions jamais. Une compréhension entièrement nouvelle de l’Univers. Attendons de voir !

Bulletin : Quel est le point fort du CERN ?
Je pense que le CERN est une organisation magnifique. L’un des points forts du Laboratoire, c’est la constance et la fiabilité. Nous nous proposons de faire quelque chose, et nous le faisons. La période de construction du LHC a vu se succéder cinq Directeurs généraux, cela montre bien la cohérence et la stabilité de l’Organisation. Cette stabilité est une caractéristique essentielle du CERN. Il n’est possible de mener de tels projets de grande envergure que si l’on dispose de ce type de fonctionnement. Le Conseil a énormément contribué à rendre tout cela possible. Pour moi, le CERN est unique au monde, et il le restera. À nous d’en tirer le meilleur parti à l’avenir.

Bulletin : De quoi êtes-vous le plus fier ?
De ces équipes qui ont construit le LHC. Les gens travaillaient dans ce tunnel jusqu’à trois heures du matin. Je ne peux pas imaginer la construction d’une telle machine ailleurs qu’au CERN, parce que l’ingrédient décisif était la bonne volonté de tous. Ce n’est pas une décision des dirigeants qui peut créer cela, et je n’aurais jamais pu demander aux gens de faire ce qu’ils ont fait. Ce qui les a motivés, c’est leur souhait de rendre possible cette machine.

Bulletin : Sur quels projets allez-vous travailler maintenant ?
Je vais présider quelques comités, notamment le Comité consultatif sur les collisionneurs linéaires, et le comité chargé de la machine FAIR au GSI, à Darmstadt (Allemagne). Je vais aussi avoir un rôle technique pour FAIR. Je ne vais pas arrêter, mais je vais passer à autre chose, au moins pour quelques années. Je vais aussi prendre un peu de temps pour moi ! Je ne pense pas être occupé à plein temps.

Bulletin : Allez-vous continuer à participer à des programmes éducatifs ?
L’enseignement est l’une de mes passions. Les jeunes sont notre avenir. La science, et la physique en particulier, sont des disciplines difficiles. Je continuerai à réaliser des visioconférences avec des établissements scolaires et à participer à des programmes éducatifs tant qu’on me le demandera.

Bulletin : Qu’est-ce qui vous manquera du CERN ?
Ce n’est pas comme ça que je prends les choses. Quand il est temps de partir, on part. D’autres prendront la relève. Je pense que c’est là une des règles importantes du CERN : il existe un âge de retraite obligatoire, ce qui laisse de la place et des ressources pour embaucher des jeunes. Je trouve que c’est une bonne politique, et nous avons vu les bénéfices que cela apporte.

Bulletin : Lyn, est-ce que les réunions journalières au Centre de contrôle du CERN vont vous manquer ?
Non, parce que j’y serai souvent dans le cadre de mon activité à CMS !

Bulletin : À bientôt Lyn !



À l’occasion du départ en retraite de Lyn Evans, La Direction du CERN organise un colloque le mardi 15 juin à 15 h, sur le thème :


par CERN Bulletin