L’héritage de Rutherford

Il y a tout juste un siècle, Ernest Rutherford publiait l’article qui établissait l’existence du noyau atomique et qui fut, d’une certaine façon,  à l’origine d’une grande partie de nos activités au CERN.

 

L’analyse de Rutherford, fondée sur des mesures de Hans Geiger et d’Ernest Marsden, permit d’établir l’existence du noyau atomique et, par là-même, d’expliquer que la matière apparemment solide qui nous entoure est en fait essentiellement constituée de vide. Comme l’affirmait Arthur Eddington : « Si nous éliminions dans le corps d’un homme tout l’espace dépourvu de matière et que nous réunissions ses protons et ses électrons en une seule masse, cet homme se réduirait à un corpuscule à peine visible au microscope. » Cela donne à réfléchir.

Quelque chose confère bel et bien de la substance à la matière : il s’agit bien sûr des forces qui s’exercent entre les particules constituant le « corpuscule » décrit par Eddington. La physique des particules est précisément l’étude de ces constituants et de ces forces, et le CERN a acquis une renommée mondiale dans ce domaine. Au fil des ans, un important axe de recherche du CERN a été l’étude des forces électromagnétique et faible. C’est la force électromagnétique qui maintient les électrons, de charge négative, à distance du noyau, de charge positive, donnant ainsi lieu à la structure atomique observée par Rutherford. La force faible, quant à elle, est responsable de la radioactivité et est à l’origine de la fusion de l’hydrogène au cœur des étoiles.

Dans les années 60 et 70 s’érigèrent les fondements théoriques de la physique des particules, sous la forme du Modèle standard. L’idée se fit jour que toutes les forces de la nature pouvaient être unifiées au sein d’une même théorie. Dans les années 70, l’expérience Gargamelle du CERN apporta les premières confirmations de cette théorie, car elle tendait à démontrer que les forces faible et électromagnétique sont des manifestations du même phénomène. Dans les années 80, la découverte des médiateurs de la force faible – les bosons W et Z – récompensée par un prix Nobel, vint valider ce résultat. Enfin, tout au long des années 90, le LEP permit d’asseoir la théorie électrofaible sur de solides bases expérimentales.

Aujourd’hui, le Modèle standard est presque complet, et, grâce au LHC, nous sommes prêts à aller encore plus loin et à parvenir à un nouveau niveau de compréhension des particules et des forces. Après Rutherford, le monde n’a plus jamais été comme avant. Je me demande si, dans cent ans, on dira la même chose en parlant du LHC.

 

Rolf Heuer