Un code Monte-Carlo pour la thérapie par les ions

Développé initialement pour une application à la physique des détecteurs et des accélérateurs, le « Fluka moderne », qui est un code Monte-Carlo, est maintenant utilisé dans de nombreux domaines de la science nucléaire. Au cours des 25 dernières années, le code a évolué pour intégrer de nouvelles caractéristiques, telles que les simulations de faisceaux d’ions. Étant donné l’utilisation croissante de ces faisceaux dans les traitements du cancer, les simulations Fluka sont utilisées pour concevoir des plans de traitement dans plusieurs centres d’hadronthérapie en Europe.

 

Fluka a permis de calculer la distribution de dose pour ce patient traité au CNAO avec des faisceaux de protons. L'échelle de couleurs indique les valeurs de dose normalisées.

Fluka est un code Monte-Carlo qui simule très précisément les interactions électromagnétiques et nucléaires dans la matière. Pendant les années 1990, en collaboration avec la NASA, le code a été développé pour prédire les risques d'irradiation auxquels seraient exposés les spationautes au cours d'éventuels voyages à destination de Mars. Au fil des années, ce code est devenu un outil standard pour l’étude des interactions rayon-machine, des dommages liés aux rayonnements et des questions de radioprotection dans le complexe d'accélérateurs du CERN.

Récemment, Fluka a suscité un vif intérêt dans le monde médical pour un autre type d’application :  la thérapie par ions pour le traitement du cancer. Comme, dans ce type d’intervention, on a recours à des faisceaux de particules qui visent les cellules de la tumeur, il est très important de prédire de façon exacte comment celles-ci interagiront avec le corps du patient. « Actuellement, nous travaillons en collaboration avec l’INFN (Istituto Nazionale di Fisica Nuclare, en Italie), le HIT (Centre national d’hadronthérapie pour le traitement du cancer de Heidelberg, en Allemagne), et le CNAO (Centre national d'hadronthérapie pour le traitement du cancer, en Italie) pour développer et adapter Fluka dans l'optique de diverses thérapies par ions, notamment les thérapies par proton et par ion carbone, explique Aldredo Ferrari, l’un des principaux auteurs du code. En fait, physiciens médicaux et radio-oncologues ont rapidement compris combien Fluka peut être utile pour les aider à choisir la meilleure configuration de faisceau à utiliser pour le traitement. »

Fluka exploite les données de physique – types d’ion, modèles de faisceau, différentes énergies, etc. – pour créer une base de données. Cette base de données est ensuite utilisée conjointement avec les données de chaque patient, ce qui permet de définir le plan de traitement le plus approprié. « Fluka est un outil très précieux, car il permet aux médecins de concevoir le traitement sur mesure pour chaque cas, explique Till Böhlen, du CERN, qui travaille actuellement au développement de Fluka pour la thérapie par les ions dans le cadre du réseau européen PARTNER. Il est particulièrement utile dans des situations critiques – par exemple si le patient a un implant métallique près des zones d’intervention. »

Les futurs développements de Fluka seront l’amélioration des modèles de physique pour certains ions, tels que l’oxygène et l’hélium, en vue de leur utilisation éventuelle en thérapie hadronique. Le code est aussi de plus en plus utilisé pour simuler le rayonnement secondaire produit en cours de traitement par le faisceau interagissant avec le patient. Cet aspect est crucial si l’on songe que le rayonnement secondaire est considéré comme un outil potentiellement très puissant pour un suivi in vivo pendant le traitement.

par Anaïs Schaeffer