L’art du sourcier

La qualification de la nouvelle source du Linac 4 – premier élément de la nouvelle chaîne d’accélération pour l’amélioration du LHC (projet sLHC) – a commencé début juillet. Après des années de préparation, mais après quelques heures seulement de réglage des nombreux paramètres en jeu, la source a produit ses premiers ions négatifs.


Les travaux de génie civil du nouveau Linac 4 près du restaurant nº 2.

À l’heure où le LHC se prépare au redémarrage, des équipes d’experts du projet sLHC travaillent sur les nouvelles installations qui permettront au LHC de fonctionner avec une luminosité supérieure. Le point de départ de la nouvelle chaîne d’accélérateurs est le Linac 4, pour lequel les travaux d’excavation ont commencé en octobre de l’année dernière. « La source de particules que nous sommes en train de qualifier à l’heure actuelle sera installée en début de chaîne, explique Maurizio Vretenar, chef du projet Linac 4. Il s’agit d’un élément critique de la chaîne puisque tous les protons qui circuleront dans les accélérateurs du CERN en seront issus. »

La source du Linac 4 est différente des sources actuellement utilisées au CERN, parce qu’elle produit des ions hydrogène négatifs (H-) et non des protons. « Les ions H- ont un grand avantage sur les protons : on peut obtenir des faisceaux plus denses et l’on a moins de pertes au niveau de l’injection dans le premier accélérateur circulaire » explique Maurizio Vretenar.

Le saviez-vous ?

Il est plus difficile de gérer la dispersion naturelle d’un faisceau à basse énergie qu’à énergie élevée. Les particules s’écartent les unes des autres parce qu’elles ont la même charge et donc se repoussent. Aux énergies élevées, la relativité entre en jeu ; les particules « voient » les distances qui les séparent les unes des autres comme plus importantes, si bien que l’effet de répulsion diminue. Dans les linacs, les experts placent plusieurs aimants quadripôles (aimants corrigeant la dispersion du faisceau) rapprochés les uns des autres, au début de la chaîne, là où l’énergie des particules est la plus faible. La distance entre les quadripôles s’accroît ensuite au fur et à mesure de l’augmentation de l’énergie des particules.

Dans une source de H-, les ions sont créés dans un plasma d’hydrogène amorcé par une radiofréquence de 3 MHz. « Étant donné la complexité des processus de physique en jeu dans un plasma, explique Richard Scrivens, responsable de la section de basse énergie du Linac4, nous ne savons pas exactement quels paramètres nous devrons ajuster pour améliorer la performance de la source et accroître le nombre de particules émises par seconde (courant) pour produire les 80 mA requis par le Linac 4. » C’est pourquoi on peut parler véritablement d’« art du sourcier »...

Les plans de la source viennent originellement du laboratoire DESY, en Allemagne, mais il restait encore aux équipes du CERN à intégrer la source dans la future installation Linac 4, et à réaliser la conception de l’ensemble des sous-systèmes de la source. « En 2004, quand la R&D sur le Linac 4 a commencé, raconte Scrivens, nous avons commencé à nous intéresser aux types de source utilisées par d’autres laboratoires. Nous savions qu’il fallait quelque chose de fiable parce qu’il s’agit de la source de l’ensemble du complexe. Cela nous a pris un an simplement pour intégrer les plans de DESY dans le projet du Linac 4. »

Le projet a été réalisé dans les temps et la source rejoindra le reste du Linac dans le nouveau tunnel en 2012. Plus d’information: https://cds.cern.ch/record/1137358?ln=fr